Aldina Duarte Ramos

Aldina Duarte Ramos

Par Galya ORTEGA.

Brand transformer chez Accor et wellness activist, le parcours d’Aldina fascine tant il est varié et parfois surprenant. Sa réussite s’est construite au fil de sa passion et de sa positivité, quoi qu’il arrive.

LES RACINES D’UN PARCOURS

Aldina Duarte Ramos a été élevée dans une famille modeste, on perçoit que c’est par les études qu’elle va se construire socialement.
« Dans mon enfance, j’ai été responsabilisée. Nous avons fui le Portugal et son régime totalitaire, mes parents ne parlaient pas du tout le français. Il fallait s’adapter. Très vite, j’ai pris le relais des services sociaux et je me suis occupée des formalités administratives de l’école pour mon petit frère et moi. J’accompagnais ma mère lors de tous ses rendez-vous, j’étais son interprète. Avec le recul, je me dis qu’à 10 ans, c’est beaucoup trop de responsabilités. Certes cela forge le caractère… »

UNE BOULIMIE D’ÉTUDES

Aldina se lance dans l’apprentissage des langues étrangères (anglais, italien) appliquées au droit et à l’économie. Elle possède déjà le français et le portugais. L’enseignement de base est en France, la licence en Italie à l’université de Sciences Politiques de Pavie, la maîtrise aux États-Unis. C’est le choix de l’université, et non les grandes écoles très onéreuses, qui lui ouvrent les portes, plus difficiles mais ô combien plus variées et dynamiques. Ensuite, DESS à Paris IV en commerce international ainsi qu’une maîtrise de Sciences Politiques à Nanterre. Elle ajoute à cela un DEUG en langues et civilisation portugaise et brésilienne.

DES DÉBUTS DANS L’INDUSTRIE LOURDE

Aldina décroche sa première vraie expérience professionnelle, en stage, à Paris, auprès du 3ème groupe mondial de traitement du verre (PPG Glass Group), dans l’équipe de contrôle qualité.
Second job, toujours en stage, aux États-Unis cette fois-ci, en usine, toujours dans l’industrie lourde des cylindrés et les profilés pour le traitement de l’acier. Sa responsabilité : à travers la langue anglaise, créer un dictionnaire technique concernant les machines outils.
Malgré sa passion des langues, elle, qui à l’origine se destinait à être interprète à l’ONU, et sa détermination à être fluide et précise dans le langage, Aldina était frustrée. Tout cela manquait de créativité. Elle avait besoin de sens artistique.
Aux États-Unis, on lui offre sa Carte Verte avec un bon job à la clé au sein d’une agence de communication suite à son stage, mais elle devait rentrer en France pour terminer son mémoire de maîtrise et préparer l’entrée en 3ème cycle universitaire. Cette opportunité est arrivée trop tôt. Cette décision tranchée lui a permis de trouver la nouvelle étape de sa vie professionnelle et elle est restée en France !

LA COUTURE : UNE AVENTURE ARTISTIQUE ET COMMERCIALE

Lolita Lempika, couturière glamour, branchée et pleine de promesses, était en perte économique malgré un vrai succès d’estime. Elle recrutait quelqu’un de parfaitement bilingue pour ouvrir des marchés anglophones. Aldina postule et une alliance se crée pour deux ans dans un enthousiasme porteur de développement. Elle est en contact avec les consulats, les ambassades, les chambres de commerce pour développer le réseau à l’étranger. Elle a très vite la responsabilité du show room, c’est-à-dire : pas d’horaires, travail non-stop, intensité maximum et ivresse de la réussite. Elle n’avait que 25 ans ! La passion c’est bien mais elle travaillait trop et le salaire était insuffisant. C’était la limite !

Jury Innovation pour EquipHôtel avec Thierry Marx

Jury Innovation pour EquipHôtel avec Thierry Marx

L’ARRIVÉE DANS L’UNIVERS DE L’HÔTELLERIE DU LUXE

Le déclic du changement a été le besoin de faire un emprunt à la banque qui le lui a refusé car elle ne gagnait pas assez. Elle ne pouvait pas travailler plus ! Elle a décidé de changer de poste et postule à l’offre d’un palace, le Bristol Paris, qui cherchait une attachée commerciale. Une annonce originale qui semblait lui parler à elle personnellement. Elle arrive à son rendez-vous de recrutement avec une tenue « décalée » qui ne correspondait pas du tout aux codes classiques de l’hôtellerie, mais son côté « hors cadre » a joué en sa faveur pour la clientèle latine. La voilà embauchée, après pas moins de sept entretiens, et la confrontation avec la culture hôtelière commence : séduire et convaincre en même temps, pas simple. Aldina bouscule les codes tout en les respectant. Anne Sémonin, la marque de cosmétique attenante à l’hôtel, sollicite Aldina.

Aldina bouscule les codes tout en les respectant

LA COSMÉTIQUE, TRAIT D’UNION VERS LE BIEN-ÊTRE

Lors des « Fashion Weeks », Aldina a créé un événement dans l’événement : au sein du Bristol et avec l’aide des concierges, elle propose des séances de « coaching beauté », une « lecture énergétique du visage » sous l’égide de l’Atelier Anne Sémonin. Aldina propose également d’augmenter le bouquet de services et crée les « Spa Suites » dans les Suites Présidentielles. Budget zéro – à part imprimer des flyers- simplement une question de langage et d’angle marketing différent sur des usages qui existaient déjà. Peu de temps après, Aldina quitte le Bristol pour s’orienter vers la cosmétique avec Anne Sémonin.

L’EXPÉRIENCE SPA AVEC ANNE SEMONIN

Anne Sémonin souhaitait se développer dans les spas de l’hôtellerie de luxe. Aldina a ainsi sillonné la France et l’Europe en compagnie d’Aleth Bloch, la créatrice des soins et formatrice de la marque. Mais voilà que Anne Sémonin quitte sa propre marque pour aller vers d’autres horizons. Aldina s’en va également. Dernière mission, elle supervise l’ouverture du Spa Anne Sémonin au Sofitel à Bangkok : quatre mois de présence sur place auprès d’une équipe de quatorze spa praticiennes thaïlandaises fraîchement recrutées. Elle avait envie de construire quelque chose de solide : c’est chose faite, avec une cohésion d’équipe et un succès commercial à la clé et, surtout, une expérience de management forte.

L’ARRIVÉE CHEZ ACCOR

Le hasard fait qu’on lui propose ensuite une petite mission d’audit au Sofitel de l’Ile Maurice. À cela s’adjoint une invitation privée au Saint Géran, un palace local. Cette expérience lui permet d’affiner sa connaissance de l’hôtellerie de luxe, avec l’exigence d’un site de villégiature. Elle rentre ensuite en France déterminée à s’investir dans le bien-être et l’hôtellerie. Le groupe Accor la repère et lui ouvre sa nouvelle étape de carrière.

Le spa, concept, création et développement

En 2004, le spa était à peine émergeant en France, le groupe hôtelier Accor recrute Aldina afin de mettre au point un nouveau concept de spa pour Sofitel. Elle construit, voyage, audite, prépare sa feuille de route et recrute son équipe : Gil Amsalem, Aleth Bloch et Galya Ortéga. Ainsi est né LeSpa by Accor Thalassa avec ses soins signatures, ses marques partenaires, ses task force pour avancer de façon solide. Rapidement, le concept s’ancre des resorts aux spas urbains, c’est un vrai succès. Toutefois, suite à un changement de présidence du groupe, les équipes et les stratégies changent. Aldina, issue de l’hôtellerie de luxe, est identifiée pour travailler sur le repositionnement de l’enseigne hôtelière Sofitel.

La naissance du concept SoSpa

Deux ans plus tard, Sofitel crée le « pilier bien-être » au sein de son positionnement de marque et de son ADN, l' »Art de vivre à la française ». Ainsi, le nouveau concept : SoSPA était né, le 14 juillet 2009. La charte graphique et l’histoire étaient différentes des autres offres du marché. La carte de soins se lisait comme une carte de restaurant avec les entrées : hammam, gommage pour préparer la peau, puis les plats : massages, soins du visage, et enfin les desserts : massage des mains, des pieds, du crâne. Tout était ritualisé avec des cérémoniaux d’accueil précis, un langage adapté, des marques et des techniques spécifiquement françaises. Tout cela existe toujours mais avec les variantes et évolutions liées à l’expérience, au temps et aux changements de direction.

LA GLOBAL WELLNESS DAY, LA JOURNÉE MONDIALE DU BIEN-ÊTRE

Elle a été créée par Belgin Aksoy afin de sensibiliser le grand public à la nécessité de se faire du bien aussi bien par le sport, la nutrition, la relaxation, la méditation, le massage, etc. Belgin a sollicité Aldina qui s’est investie avec passion dans ce mouvement depuis quatre ans, en tant qu’ambassadrice. Aldina est également le référent GWD au sein du groupe Accor. Le principe étant de démocratiser l’accès au bien-être et de l’ouvrir gratuitement au plus grand nombre. Ainsi ont lieu en France des ateliers, des événements, des animations. Les spas participent mais également les écoles, les mairies, les particuliers. Aldina en porte les valeurs, en fait la promotion, la synthèse et l’organisation avec une équipe bénévole (Laure Jeandemange, Carole Primat, Isabelle Trombert, Riadh Bouaziz). Cette journée qui a lieu le deuxième samedi du mois de juin de chaque année dans le monde entier a pour ambition d’être le déclencheur de la pratique du bien-être, un éveil sur soi.

ALDINA ET LE SPA AUJOURD’HUI

À présent, l’univers du spa évoluant beaucoup et l’hôtellerie s’adaptant aux demandes d’une clientèle de plus en plus avertie, tout naturellement la mission d’Aldina évolue aussi. Elle gère ainsi un « portefeuille » de 400 hôtels dont les 2/3 ont des spas.
Aujourd’hui, Aldina identifie deux axes de travail essentiels :
– Les enseignes hôtelières : définition des axes d’expériences autour du bien-être, création de marques et développement de partenariats.
– Des projets d’hôtels (rénovation ou construction) avec les développeurs, les designers et les architectes. Aldina travaille sur plan et valide les flux clients et les flux opérationnels. En amont, il est nécessaire de définir l’ADN du lieu en harmonie avec l’enseigne hôtelière à laquelle il est rattaché. Elle va sur place pour les projets stratégiques (ouvertures, campagnes marketing).

Le secret d’une expérience spa réussie

« Quand le soin est terminé et que l’on se sent entier, plein, il s’est passé quelque chose ! On se sent différent. A contrario, une expérience spa ratée, c’est : la musique était moche, j’ai trop attendu, j’avais froid. Quand l’expérience est réussie, ces mini-parasites ont peut-être eu lieu mais je suis tellement comblée que je ressors entière. Mais à quoi ça tient ? C’est toute la subtilité. Comment fait-on ça ? Mystère ! Est-ce que c’est duplicable ? Non. C’est compliqué. »

Le secret d’un spa réussi et rentable

Tout doit être pris en compte : à commencer par l’architecture. Vous pouvez avoir un très beau concept gâché par une circulation ratée, par des flux qui ne fonctionnement pas. Il faut optimiser les flux opérationnels et travailler vraiment sur l’expérience client. Cela s‘anticipe dès les plans. Il faut s’adosser à un concept et se poser la question de l’histoire que vous avez envie d’exprimer et de comment elle va fonctionner. Il est vital que cela repose sur quelque chose d’authentique. Le client ne s’y trompera pas. Et l’authenticité repose sur des valeurs.
Enfin il faut maîtriser toute la chaine du spa : la marque, quelle machine intégrer, quels praticiens spécifiques mettre à l’œuvre ?…. Pour atteindre la réussite :
– il faut avoir une vraie stratégie de recrutement, de développement : c’est la colonne vertébrale,
– ensuite, il s’agit de déterminer l’offre précise, qui doit être courte, agile et impactante, elle évoluera au fil du temps,
– et enfin, il faut un bon gestionnaire, un vrai directeur, quelqu’un qui a un langage de patron et qui sache gérer aussi la relation avec le directeur de l’établissement, en parlant le même langage que lui.

LE FUTUR DU SPA

On sent bien que le modèle de spa tel que nous le connaissons depuis 20 ans a atteint un palier et s’oriente à présent vers le wellness : « Le métier lui-même doit évoluer. Le mot spa est dépassé, il ne correspond plus à ce qui vient. Quant au titre de spa manager, il est déjà daté. L’évolution commencera vraiment lorsqu’on réalisera que le spa n’est pas remplir des créneaux d’heures de soin. Le bien-être, demain passera par un cadre plein et entier de l’humain.
La question se pose déjà : « Pourquoi le client vient en soin ? ». Demain, nous serons davantage dans la prévention. Sans prévention, nous traiterons toujours l’instant et nous ne parviendrons pas à avancer. Prévention santé et bien-être : nous ouvrons le champ des possibles et nous anoblissons le métier. Mais pour la prévention, que peut-on faire ? Comment s’y prendre ? Quelle légitimité ? Dans les centres de wellness, nous trouvons de plus en plus des managers qui ont des expériences différenciantes, telles que des psychologues, des naturopathes, des nutritionnistes, des maitres en ayurvéda, des yoga-masters. Là est l’avenir et c’est intéressant à observer. Par contre, tous ces professionnels n’ont pas l’expérience de la « gestion » même du soin parfois. L’idéal serait de faire des binômes : gestionnaires et thérapeutes. Un directeur d’hôtel, par exemple, a autour de lui un comité exécutif : la restauration, la gouvernante générale, il est épaulé. En aucun cas, il ne fait tout, tout seul. Pour l’univers du bien-être, c’est pareil. Il faudra quelqu’un qui soit le garant des pratiques holistiques, quelqu’un qui soit en lien avec la cuisine et avec toutes les propositions de l’offre et quelqu’un d’autre qui gère la rentabilité.
En conclusion : pour moi, le spa de demain c’est la prévention. Le yoga, les médecines douces, la méditation et bien d’autres approches holistiques et intégratives font partie de la prévention et donc de l’avenir. »

SPA-A, LA FÉDÉRATION DES PROFESSIONNELS DU BIEN-ÊTRE

Cette association a été fondée il y a un peu plus de 20 ans par Rachel Calleja, à l’époque où les spas existaient à peine. Rachel a immédiatement fédéré autour d’elle une poignée de professionnels dont Aldina Duarte Ramos. Cette action était nécessaire dans un secteur sans repère et sans structure. Au fil du temps, les expertises se sont affirmées en même temps que le métier s’est vraiment construit.

La mission de Spa-A

En 2008, Aldina a été élue présidente et est réélue tous les ans à l’unanimité. Des ateliers de formation, animés par les experts de Spa-A, ont eu lieu pendant trois ans sur des sujets précis de bonne gestion des spas. Les productions de l’association se précisent avec des fiches métiers, les études, des dossiers toujours à disposition des membres et à toute personne intéressée.

Le Label Qualité Spa-A

Sous sa présidence, il y a eu création du Label Qualité pour les spas qui compte actuellement 85 spas labellisés en France et à l’international.

Les normes AFNOR

C’est en s’appuyant sur son enthousiasme que plus de 200 professionnels, issus de les tous secteurs du spa, se sont réunis à trois reprises pour définir une charte, une grille de critères mesurables et un mode de fonctionnement toujours d’actualité. Le plus important étant de créer des outils de progrès dans un cadre associatif. Elle a, par ailleurs, présidé, de 2012 à 2014, la commission nationale AFNOR ST02 « Tourisme de bien-être ». Cette mission a abouti à la publication de deux normes qui encadrent la profession et structurent ainsi le marché qui bénéficie pour la première fois d’un cadre normatif.

AVANCER COÛTE QUE COÛTE

La plus grande difficulté

« Il y a eu plusieurs difficultés tout au long de mon parcours professionnel car j’ai passé mon temps à changer de secteur d’activité. Il y a eu des difficultés techniques car à chaque fois je démarrais à zéro. Par exemple, lorsque j’ai eu la responsabilité d’ouvrir le marché américain quand je travaillais dans la mode, j’étais seule et n’avais personne pour m’aider et là j’ai appliqué avec logique la théorie apprise à l’université. J’avais envie de réussir, l’échec n’était pas une option. Mais il s’agit là de difficultés techniques. On apprend et on les dépasse. Le plus difficile, ce sont les relations humaines. Il faut avoir l’humilité pour aller de l’avant, en respectant le cadre imposé mais sans s’abîmer. Il faut comprendre qu’il y a des profils qui ne sont pas faits pour travailler ensemble. C’est la vie. »

La plus grande fierté

« Je peux dire aujourd’hui que ce dont je suis la plus fière, c’est, à chaque fois, d’avoir lâché quelque chose qui me plaisait pour embrasser quelque chose de nouveau. Et ça…, je l’ai fait plusieurs fois. C’est un sentiment très fort. Je suis fière de chaque étape que j’ai franchie, où j’allais à chaque fois dans l’inconnu total et j’ai trouvé de l’assurance. Je n’ai jamais eu peur de sauter le pas. À ce jour, j’aime vraiment ce que je fais, j’aime mon métier qui est d’une telle richesse que c’est sans fin. Je suis donc fière de tout car je ne le dois qu’à moi. Avec l’expérience, je comprends maintenant qu’il n’y a aucun mal à demander de l’aide… mais j’étais beaucoup trop fière et j’étais portée par ce sentiment de ne pas être redevable à qui que ce soit. Toutefois, je dois ajouter que j’ai eu la chance d’avoir un contexte familial qui m’a beaucoup aidée. Mon mari est mon roc, et toujours de bon conseil ».

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