AccueilSpa CréationsArchitecture d’un spa : les espaces humides 2 novembre 2020 Spa Créations Par Galya ORTEGA. Voici un échange à bâtons rompus entre deux experts passionnés du spa : Anne Fourcade et Benoît Creus vous livrent leur vision, le fruit de leurs expériences, leur avis et leurs judicieux conseils sur les espaces humides dans les spas. Anne Fourcade Anne Fourcade Architecte DPLG, depuis plus de 20 ans, l’architecture a été sa passion et elle a pu s’exprimer dans des projets très différents : réalisation, concept, construction du premier parc d’attractions en France Mirapolis, réalisation du Parc du Puy du Fou, aménagement des Caves Mercier, Moet et Chandon, rénovation de maisons d’hôtes, construction des Boulangeries Poilâne, de l´espace bien-être de l’Hôtel des Vignes à Ramatuelle… Toutes ces expériences ont marqué son parcours d’architecte et l’ont conduite à développer le concept du projet de Your Nature, éco-resort basé sur le développement durable où l‘architecture est réalisée en matériaux naturels, et les formes sont inspirées par la nature. Benoît Creus Benoît Creus Directeur de Verre et Quartz, créateur d’univers sensoriels depuis plus de 20 ans. Verre et Quartz, spécialiste des zones humides, accompagne les porteurs de projets, spas en particulier, en leur proposant des réalisations répondant à leurs attentes. Lien privilégié entre les clients, les architectes, les bureaux d’études, Benoît Creus a en charge la recherche de solutions et leur optimisation, en prenant en compte les impératifs de planning, d’organisation, de cahier des charges, et de coordination entre les différents corps de métiers. Avec plusieurs centaines de réalisations à son actif, de tailles et fonctionnalités très variées, il est souvent consulté pour des recherches de choix techniques et esthétiques qualitatifs et pérennes dans un environnement humide où la réalisation d’ouvrages sans expérience est risquée et peut être lourde de conséquences. Le 21 Blanche, Paris – Création Benoît Creus LE SECRET DE L’HARMONIE GLOBALE Anne Fourcade Le positionnement des espaces humides dans un spa est très important car on rencontre souvent des aberrations. Lorsque je demande aux professionnels du spa ce qu’ils ont visité comme spa, je suis très surprise de leurs réponses : « Je n’y vais jamais, je n’ai pas le temps… Je ne connais que ceux pour lesquels je travaille… ». Ce qui signifie que ces personnes n’ont aucune idée de ce qu’est la circulation du client dans un spa ! C’est catastrophique et à la source de grosses erreurs ! Penser à la zone humide… dès le départ Benoît Creus « En tant que spécialiste des zones humides et du hammam en particulier, j’essaie de faire passer le message que la zone humide se pense dès le début du projet. Dans cet esprit, il est très souhaitable de pouvoir mener une mission d’assistance technique à maîtrise d’ouvrage qui prendra en compte les contraintes nécessaires pour une zone humide de qualité. Il est fréquent pour notre part que cette mission soit offerte dans l’intérêt de tous. Le client est en confiance, puisque nous calculons les attentes qui permettront un bon fonctionnement et une durabilité des équipements que nous installerons et, quant à nous, nous évitons une redondance d’interlocuteurs. Ainsi, nous n’aurons pas de problèmes de raccordement et le client de fonctionnement des équipements, qui sont des problématiques classiques des espaces humides. Je privilégie un accompagnement global du client. Dans un projet spa, trois personnes ou sociétés sont primordiales : le client, l’architecte et nous, les spécialistes des zones humides. Nous ne sommes pas des architectes mais avec l’expérience que nous avons, nous pouvons partager nos points de vue avec l’architecte et voyons tout de suite les besoins techniques à prévoir. » La zone humide se pense dès le début du projet PARCOURS CLIENT ET CONCEPT Nous le savons, le parcours client est au cœur de l’harmonie du spa. Comment va-t-il circuler d’une activité à l’autre ? Et ce n’est pas qu’une histoire de praticité, c’est le fondement de l’histoire émotionnelle de la réussite de l’expérience. Tout se joue au moment du brief, de l’écoute du client et du conseil que l’architecte et le responsable de la zone humide peuvent apporter. Anne Fourcade « L’aventure de créer des espaces de bien-être consiste avant tout à comprendre le cheminement du client, ensuite de raconter une histoire et de trouver une thématique spécifique à ses pensées profondes. C’est ce qui fait la différence. Les premières questions que nous devons nous poser sont essentiellement : – sur la programmation, l’investissement, mais la plus sensible pour moi actuellement c’est l’environnement, – comment va se raconter l’histoire et comment le concept va naître ? – actuellement, je travaille sur un spa en Belgique où tout a été dessiné et pensé dans le respect de la forêt et de son environnement avec des architectures en bois en forme de feuilles, et le concept choisi respecte le cheminement que nous avions défini. » Sauna, hammam, fontaine de glace – Hôtel Version Maquis Bonifacio – Création Benoît Creus. L’ÉVOLUTION DES ESPACES HUMIDES « Pour faire évoluer le concept des espaces humides, la technique est primordiale. De nouvelles technologies sont proposées, plus sensibles au toucher, aux odeurs, et, pour les mettre en œuvre, l’architecte doit travailler avec le spécialiste des espaces humides, pour apporter sa faisabilité technique et aussi des idées. Dans un spa, le problème de la circulation est vital entre les espaces secs et les espaces humides. L’accueil doit être un lieu privilégié, hors du temps quotidien et, pourtant, souvent, on y voit une rangée d’ordinateurs et de téléphones, alors que cet espace doit être un lieu de décompression, d’émotion avec un choix de matériaux en adéquation avec le concept. Le vestiaire est également un espace de transition où le corps va se libérer des effets du quotidien et l’aventure va commencer. Et les émotions peuvent être beaucoup plus sensorielles, grâce par exemple à des petites gouttes de pluie, avec des degrés d’humidité différents. Le corps s’imagine être en contact direct avec la nature, les cinq sens sont alors en éveil. Les huiles essentielles peuvent changer l’impression que le corps ressent dans un sauna. C’est tout ce cheminement par rapport à soi qui rend encore plus intéressants les espaces humides. L’architecte et le spécialiste des espaces humides doivent ensemble, par les volumes, la circulation, le choix des matériaux, créer ce cheminement intérieur. » Benoît Creus « Sauna et hammam représentent deux extrêmes des zones humides que l’on peut décliner aujourd’hui de nombreuses façons différentes : les essences de bois pour la construction des saunas, l’agencement intérieur du sauna ou du hammam, les parfums (huiles essentielles ou fleurs séchées). Les échanges au début du projet avec les propriétaires sur les espaces et leurs fonctions sont déterminants dans la construction du parcours, son cheminement et le travail de l’architecte et du constructeur. » LES EXPÉRIENCES AUDACIEUSES Un espace bien-être sur un roof top « Nous avons actuellement en projet la réalisation d’un spa comportant sauna panoramique, hammam, douche de neige, Jacuzzi extérieur et sur le roof top d’un hôtel prestigieux, en Bretagne, où les clients pourront recevoir les énergies de la mer. Nous avons eu la chance de travailler avec les architectes à l’écoute de la technique car le sujet était pointu. L’espace était petit et la ventilation cruciale. La construction a été pensée en fonction du sauna panoramique totalement intégré dans le bâtiment et offrant une vue très dégagée sur le ciel et sur l’océan. C’est magique. L’offre est complétée par un hammam aromatique et un Jacuzzi avec un accès très facile vers l’intérieur. Cette configuration diminue les problèmes de ventilation et le local technique nécessaire a été très optimisé par souci de gain de place et d’esthétique. C’est un défi passionnant que de réussir à proposer tant d’activités dans un espace réduit sur un roof-top. » Your Nature Belgique – Création Anne Fourcade Un spa en pleine nature Anne Fourcade « Je construis actuellement un éco-resort en Belgique sur un site de 220 hectares où tout a été pensé dans le respect du développement durable. L’architecture a été mise en valeur par les formes de la Nature : des cabanes dans les arbres, des cottages en forme de feuilles, des lake-house sur l’eau. Le client peut vivre des sensations, monter sur des terrasses ou sur des arbres avec des cabanes pour développer davantage le sensoriel en relation entre intérieur et extérieur. Quand on a la chance d’avoir de la nature, il faut que la nature soit une harmonie avec l’intérieur et la faire rentrer dans le spa car elle donne de l’énergie. Actuellement, la plupart des spas sont beaux parce qu’ils utilisent de beaux matériaux, c’est bien organisé. Mais ce n’est pas cela qui fait le bien-être réel et l’énergie ! » ESPACES HUMIDES ET RENTABILITÉ Avoir des espaces humides dans un spa coûte cher, plus cher que d’avoir une simple cabine avec une table de massage. Et la plupart du temps, les espaces humides sont non payants, ils font partie du concept… Anne Fourcade « Aujourd’hui, les promoteurs étudient leur rentabilité et en dégagent l’enveloppe pour construire le projet. Notre travail d’architectes créateurs avec les spécialistes est de proposer le meilleur équilibre entre le concept et la réalité dans une enveloppe donnée. C’est à nous, concepteurs et techniciens, de prendre les décisions et d’imposer notre créativité. » Benoît Creus « Aujourd’hui, le sauna est un produit très intéressant car il peut se décliner à différentes températures, voire humidités dans le cas d’un sauna bio. De plus, les saunas se déclinent dans de larges fourchettes de prix, ce qui permet parfois de proposer un, deux ou trois saunas. À l’opposé, le hammam demande des éléments : générateur de vapeur, porte, plafond, qui doivent être de très bonne qualité et par conséquent ont un coût non négligeable ; et ce, quelle que soit la taille du hammam. Concevoir un spa nécessite de connaître les postes incompressibles sous peine de déconvenues rapides et de pouvoir déterminer à partir de quel moment on peut créer de l’émotion. Par exemple, si la construction complète d’une grotte de sel avec son plafond renforcé pour recevoir les blocs est très onéreuse, il faut se demander si d’autres alternatives de construction ne sont pas possibles. Notre mission consiste en permanence à équilibrer les budgets et les surfaces. » L’ÉVOLUTION PSYCHOSENSORIELLE DES ESPACES HUMIDES Il y a encore peu de temps, on disait : « On ne peut se nommer spa que si on a un espace humide quel qu’il soit : sauna, hammam, piscine, Jacuzzi, douche expérience, bains. Aujourd’hui, on constate que l’espace humide n’est plus prioritaire… Sauna bain Nordine Flocon de Neige – Aix en Provence – Création Benoît Creus Anne Fourcade « Le mot spa est pour moi restrictif. Je préfère parler de centre de bien-être, un lieu où vont se rencontrer des espaces de méditation, de lumière, de détente, dans les zones sèches et les zones humides suivant l’histoire écrite. Tout est défini dans le choix du parcours par le client pour qu’à chaque étape, à l’intérieur de tous ces espaces qui s’entremêlent, une sensation de bien-être l’envahisse. Pour que ce cheminement soit en harmonie, il faut maîtriser la circulation entre tous les espaces secs et humides ; l’entrée doit être différente de la sortie, pas de croisement pour préserver l’intimité et conserver toutes les sensations que le corps a reçues et a imprégné dans sa mémoire… Tout doit se faire en respectant une progression dans les émotions, c’est cette harmonie qui donne la vie. » Benoît Creus « Il y a des personnes qui pensent que le sauna ou le hammam sont faits pour transpirer. Ce n’est pas du tout ça. La température est une chose, mais il y a aussi les parfums, les lumières et il faut trouver le moyen que ce soit une expérience de plaisir. Dans le hammam idéal, il y a tout l’éventail de températures et d’humidité avec les activités qui correspondent. Le client peut commencer par apprécier l’atmosphère de la pièce tiède et aller vers la zone très chaude. Il restera plus longtemps dans la pièce tiède qui peut aussi être un lieu convivial de discussion. Il y a également les marbres chauds. La progression est très positive, et cette progression en soi est un soin. Pour le sauna, c’est la même chose. Le rituel consiste à commencer par s’allonger sur la banquette basse (40°), de sortir, se relaxer après une douche froide et passer ensuite sur la banquette haute pour profiter d’une chaleur plus importante (80°). Un bon bain de sauna peut prendre une heure et demie. Ce qui manque dans les spas, c’est bien souvent de l’information. Il faut expliquer comment profiter des parcours et leurs bienfaits. » Ce qui manque dans les spas, c’est souvent l’information LE DÉVELOPPEMENT DURABLE EN SPA Anne Fourcade « Nous avons beaucoup avancé dans ce domaine. Le premier point est l’isolation thermique et la maîtrise de l’humidité : la construction doit être isolée depuis la fondation jusqu’à la toiture. Ensuite, dans le développement durable, le choix des matériaux est le plus important techniquement mais aussi symboliquement : bois, pierre, matière issue de la nature… La réflexion sur l’apport de l’eau est une question fondamentale, pour l’économiser, la recycler, d’où l’importance du choix des appareils. La thermie aujourd’hui a beaucoup progressé avec les pompes à chaleur, mais se pose la question du choix, en fonction du site, de la récupération de l’énergie de l’eau, car la consommation est vitale de nos jours. Architecte et techniciens doivent travailler ensemble, et mettre en pratique des nouvelles technologies. » Benoît Creus « On nous demande de plus en plus comment réduire les consommations d’eau. Des solutions existent mais elles sont malheureusement assez coûteuses. Toutefois, des reprises d’eau des bassins qui peuvent facilement être récupérées pour refroidir des installations par exemple fonctionnent très bien. D’autres axes étudiés par les bureaux d’études permettent également d’obtenir des propositions intéressantes. » Hôtel La Vigne de Ramatuelle – Création Anne Fourcade DES SPAS INSPIRANTS Anne Fourcade « Les hôtels et spas Six Senses sont des modèles car l’architecture est vraiment en harmonie avec le concept. Tout est pensé dans les détails : le circuit du client qui le met en condition de méditation, les uniformes pour le personnel, des couleurs différentes suivant le jour et le moment de la journée afin de donner de l’énergie en fonction de l’heure, la nutrition très élaborée qui provient en partie du potager… L’idée est de partir de la notion de bien-être et construire l’expérience à vivre, tout est un équilibre. Le souci est que la plupart du temps, dans les spas occidentaux, la dimension spirituelle n’est pas une donnée. » Benoît Creus « J’ai vécu une expérience mémorable au spa du Banyan Tree à Oman. C’est un spa magnifique, on a l’impression d’entrer dans une forêt, l’eau tombe d’on ne sait où, on progresse dans une eau tiède, une eau chaude, il y a des petits recoins où il y a des sources froides… Le spa doit être une évasion, au bout d’un certain temps, on ne sait plus où on est. La déconnexion est totale. Dans ce tunnel de plantes, on a une expérience qui marque. Le plus important c’est l’émotion. » LA RÉALISATION DONT ILS SONT LES PLUS FIERS Anne Fourcade « Je suis très fière de mon dernier projet, en cours de construction, dont le concept est né il y a 15 ans, et où tout a été conçu dans le respect du développement durable. Il s’agit d’un spa totalement construit dans la nature, avec des structures en bois, correspondant à ce que je pense au plus profond de moi, du devenir de ce type d’approche pour un éco-resort. Quand la passion de l’architecture vous anime, il faut toujours être visionnaire au moins à 10 ans car l’évolution de la pensée, de la technique et des événements environnants vous gardent en éveil et comme chaque projet demande 4 à 5 ans pour se mettre en place, il faut pouvoir conserver une avance dans le temps pour ne pas être en retard. » Benoît Creus « Nous venons de terminer le spa de l’Hôtel Version Maquis à Bonifacio qui était un grand défi car il fallait réaliser un espace humide regroupant un hammam, un sauna panoramique, un banya, et d’autres activités en créant l’émotion. La transition entre les soins et l’extérieur est symbolisée par une magnifique piscine. Quand on est dans le bassin, on est à fleur du sauna et du banya, et on a la vue sur un couloir majestueux avec des douches expériences chaudes et froides et un hammam. L’ensemble est mis en scène par des éclairages magnifiques. Le défi était d’associer tous ces modules, ainsi que le lien intérieur extérieur, nature et construction pour créer un magnifique ressenti. Il y a quelques années, on était davantage sur des espaces fermés dans des besoins de replis. À présent les clients recherchent dans le spa un espace moins isolé, preuve que le spa s’intègre aujourd’hui complètement dans notre quotidien. »