Par Florence KOWALSKI, Spaboosting, Yog’nVibes. Depuis quelques mois, vous avez peut-être constaté l’apparition d’un nouveau terme dans les cartes de soins : le breathwork, « le travail sur la respiration », commercialisé sous la dénomination d' »Ateliers Respiration ». Alors, effet de mode ou véritable valeur ajoutée pour les spas ? Pour comprendre ce qu’est le breathwork et la façon dont il peut venir enrichir une carte de soins ou une expérience bien-être au sein des spas hôteliers, il convient de comprendre à quoi sert la respiration et quels sont ses effets sur la beauté, d’une part, et sur le bien-être physique, mental et émotionnel, d’autre part. Sans tomber dans des explications anatomiques approfondies qui nous éloigneraient de l’objet de cette réflexion, force est de constater que la respiration est un acte a priori anodin puisqu’elle est régulée par notre système nerveux autonome, celui qui prend en charge toutes les activités que notre corps réalise de façon réflexe. Ainsi, au repos, nous inspirons et expirons en moyenne 16 fois par minute, ce qui fait transiter dans nos voies respiratoires et nos poumons pas moins de 6 litres d’air qui peuvent monter jusqu’à 200 litres en cas de respiration à l’effort. LA RESPIRATION, NOUVELLE ROUTINE BEAUTÉ… La respiration fait partie des pré-requis essentiels pour une belle peau. Pourquoi ? C’est l’un des premiers enseignements théoriques en CAP Esthétique : la peau est un organe vivant, composé de cellules, et c’est le renouvellement régulier de ces cellules, dont le cycle de vie est de 28 jours, qui contribue à l’éclat, à l’élasticité et, d’une manière générale, à ce que nous avons coutume d’appeler la bonne santé de la peau. En effet, l’oxygène est le carburant qui permet la réalisation du cycle de transformation de la cellule, également appelé métabolisme ou renouvellement cellulaire. Ainsi, depuis plusieurs mois, on voit apparaître des produits cosmétiques enrichis en oxygène ou des « soins oxygénants », dont l’objectif est justement d’augmenter l’apport en oxygène dans les cellules de la peau. On trouve aussi des soins du visage à l’oxygène utilisant le principe du caisson hyperbare pour stimuler cette régénération cellulaire. Et que dire du teint glowy, ce teint frais, rosé et éclatant que la presse beauté présentait, au lancement du concept, comme le teint que l’on peut avoir une heure après un bon footing, c’est-à-dire une heure après avoir mécaniquement accéléré la circulation sanguine et, de fait, accéléré la diffusion de l’oxygène dans les cellules ? Ce ne sont là que quelques exemples mais ils illustrent bien le rôle de l’oxygène pour la peau. Or, la respiration étant le procédé logique et naturel de diffusion de ce dernier aux cellules de la peau, son impact sur la beauté ne fait désormais aucun doute. LA RESPIRATION, UNE PUISSANTE ROUTINE BIEN-ÊTRE ! Au-delà de permettre l’absorption de l’oxygène dans les cellules, la respiration permet l’expulsion du C02. Or, les sportifs le savent, lors d’un effort, on a tendance à avoir une respiration moins « qualitative » : on a tendance à inspirer rapidement de grandes quantités d’air et à expirer beaucoup moins. De façon très simplifiée, cette accumulation deC02 à l’intérieur du corps se traduit soit par un point de côté, soit plus sûrement par des courbatures les jours suivants, courbatures liées à l’accumulation de déchets (dont le C02) dans les muscles qui ont travaillé. Une bonne respiration à l’effort, avec une inspiration et une expiration soignées, permet d’évacuer naturellement ce dioxyde de carbone et limite considérablement l’apparition des courbatures. Notons également que la respiration fait appel à plusieurs muscles dont le diaphragme, le plus volumineux des muscles inspiratoires, responsable de 80 % du travail de respiration. Le diaphragme est reconnu comme étant le siège de nos émotions. Lorsque nous sommes stressés, nous avons parfois une sensation de « boule au ventre » au niveau du plexus solaire. Le diaphragme ne peut alors offrir une bonne ventilation aux poumons et la respiration peut être bloquée, avec une sensation d’étouffement douloureuse physiquement. Adapter sa respiration améliorera donc le fonctionnement du diaphragme et le bien-être physique associé. Ces quelques exemples concrets illustrent là également l’enjeu de la respiration sur le bien-être physique. UN OUTIL NATUREL DE BIEN-ÊTRE ÉMOTIONNEL ET MENTAL Le rôle de la respiration dans le bien-être va bien au-delà du seul bien-être physique, et c’est là toute la puissance et le potentiel de cet outil pour les spas. En effet, sans entrer dans des explications anatomiques qui seraient passionnantes mais qui nous emmèneraient trop loin, on sait que le rythme cardiaque s’accélère à l’inspiration et décélère à l’expiration. Pour comprendre, rappelons que le système nerveux autonome, qui régit notamment la respiration, se décompose en système nerveux sympathique (qui « prépare » le corps à l’action) et système nerveux parasympathique (qui « prépare » le corps au repos). On sait de façon scientifique que l’inspiration inhibe temporairement l’influence du système parasympathique et produit une accélération du rythme cardiaque. Au contraire, l’expiration stimule le système nerveux parasympathique et entraîne un ralentissement de ce rythme. La respiration va bien au-delà du bien-être physique La cohérence cardiaque Ainsi, l’inspiration est une action stimulante, tandis que l’expiration est une action apaisante pour l’organisme. Cette connaissance est essentielle et régit la plupart des techniques de respiration utilisées pour gérer l’état émotionnel et mental. La plus connue et la plus accessible d’entre elles est certainement la cohérence cardiaque, désormais utilisée comme une véritable technique physiologique de contrôle du stress en maîtrisant le rythme de l’expiration (puisque l’expiration « apaise » comme expliqué ci-dessus). Elle s’acquiert rapidement par la règle du 365 : 3 fois par jour, 6 respirations par minute et pendant 5 minutes. Soit des inspirations et des expirations de 5 secondes chacune. Cet équilibre du cycle respiratoire permet de moduler le cortisol, hormone du stress, et de fait l’équilibre émotionnel de l’individu. La respiration alternée C’est également sur ce principe qu’on construira beaucoup d’exercices autour de la respiration. C’est le cas de la respiration alternée avec allonge de l’inspiration (ex : inspirer sur 6 temps et expirer sur 4 temps) qui va permettre d’énergiser le corps, de le réveiller, de « créer le feu » comme on dit en yoga, pour se donner un coup de boost au travail ou simplement « relancer la machine ». L’inverse (ex : inspirer sur 4 temps et expirer sur 6 temps) permettra au contraire d’aller chercher du calme, de l’apaisement, alors qu’on vient de subir un coup de pression de son patron ou qu’on a l’impression que rien ne va aujourd’hui et qu’on a besoin de retrouver un peu de calme en soi. La rétention du souffle Autre technique : la rétention du souffle, soit après l’inspiration (poumons remplis), soit après l’expiration (poumons vides). Très utilisée en yoga, au travers d’une discipline qu’on appelle le pranayama, elle a pour objectif de stimuler la circulation de l’énergie vitale (le Prana) dans l’organisme en emmagasinant de grandes quantités d’oxygène quand elle est réalisée à poumons pleins. À poumons vides, elle force encore plus le ralentissement du rythme cardiaque avec l’habitude et permet d’expérimenter un état de calme profond. Ces techniques sont également très utilisées en plongée en apnée et, d’une manière générale, pour les sportifs de haut niveau désireux d’aller le plus loin possible dans la gestion de leur mental. Attention : les techniques de rétention de souffle sont à réaliser avec des professionnels car les effets sur le système nerveux peuvent être très puissants. S’arrêter là sur un sujet aussi riche est forcément frustrant pour la passionnée de breathwork que je suis mais l’objectif premier était de vous faire comprendre rapidement tout le potentiel de cet outil sur le bien-être physique, mental et émotionnel des individus (sans oublier sur l’état de la peau bien sûr). Pour ces raisons, il a toute sa place dans l’offre bien-être des spa hôteliers. Pour le mettre en place de façon efficace, quelques conditions sont à respecter. 3 CONSEILS POUR METTRE LE BREATHWORK À LA CARTE Appuyez-vous sur des professionnels. L’intégration du breathwork dans votre offre de prestations spa peut se faire de diverses façons mais, dans tous les cas, donnez-lui une dimension professionnelle. L’intégration du breathwork peut se faire de diverses façons En soin Si vous ou un membre de votre équipe maîtrisez le sujet, vous pouvez introduire une manœuvre signature en ouverture et en fin de soin. De nombreuses marques de soins le proposent mais si la manœuvre de respiration est initiée par le/la praticien(ne) sans conscience ni intention, le client pourra respirer autant qu’il le souhaite, les effets ne se feront pas ressentir. Il est donc essentiel que le rituel de respiration mis en place soit parfaitement compris dans son objectif et ses modalités de réalisation par votre équipe. Le bénéfice bien-être pour le relâchement du client en début de soin et pour « l’inscription » du soin dans tout son corps en fin de soin sera optimal. Les ateliers Le breathwork peut également être introduit sous forme d’ateliers, soit en complément d’une autre activité (ex : méditation et pranayama, yoga et pranayama, fitness et sophrologie pour les sportifs…), soit en tant qu’activité principale. Dans ce cas, il faudra être très clair dans votre titre d’atelier et dans la promesse d’expérience : vous ne vendez pas un atelier breathwork, vous vendez avant tout du lâcher-prise, de la confiance en soi, de la gestion du stress, de l’ancrage ici et maintenant… pour lesquels le breathwork sera un fabuleux outil. Mais uniquement un outil, pas une fin en soi, trop difficile à intégrer pour une clientèle qui n’aura pas encore été sensibilisée aux enjeux de la respiration. Les ateliers plus techniques sont envisageables à la demande mais seront à réserver à un public plus averti (ex : pratiquants de yoga) qui vous en feront la demande. Plus que jamais, votre storytelling sera la clé pour susciter l’envie d’essayer ! Ne tombez pas dans le piège ! Dans tous les cas, ne tombez pas dans le « piège » classique de penser que la respiration est quelque chose de très simple, donc forcément, tout le monde peut le faire… Si le sujet vous intéresse, les livres cités dans l’encadré vous permettront d’aller plus loin et de réaliser que le sérieux de la discipline nécessite de vrais professionnels, formés et expérimentés, capables d’exprimer et surtout de transmettre la puissance du breathwork pour que vos clients la ressentent. Qu’il soit professeur de yoga, sophrologue ou respirologue, trois professions où la respiration joue un rôle central, votre prestataire doit pouvoir vous « embarquer » avec lui dès vos premiers échanges. Si vous ne comprenez pas très rapidement l’enjeu du sujet, challengez-le sur ce point, jusqu’à ce que ce soit évident pour vous. Et demandez-lui de vous proposer une séance découverte, vous verrez ainsi sa capacité à intervenir en format « groupe ». Dans tous les cas, n’annoncez pas un atelier breathwork avec une personne qui aura reçu quelques heures de formation ou qui aura juste vu quelques tutoriaux d’exercices sur Internet. Vous risquez de décevoir vos clients. VALIDEZ LA DIMENSION LUDIQUE ET ACCESSIBLE Pour certains clients actifs, le breathwork pourra paraître trop statique. Pour d’autres, trop théorique, ils ne « rentreront » pas dans le concept. D’autres encore auront peut-être l’impression que respirer est trop « anodin » pour faire l’objet d’un atelier pratique. Voire vous diront « Respirer c’est gratuit, alors pourquoi je paierais pour cela ? ». Le breathwork est un sujet encore peu vulgarisé en France et le risque que vos clients y perçoivent une activité un peu trop « planante », voire ésotérique à leur goût, est réel. Pour éviter cela, soyez partie prenante dans la préparation des premiers ateliers avec votre prestataire. Celui-ci doit comprendre le contexte dans lequel il intervient, à savoir pas celui de son cabinet ou de son cours régulier, où les personnes qui viennent le voir sont déjà sensibilisées aux enjeux de la respiration, mais celui d’un lieu où les personnes sont en vacances, désirent prendre soin d’elles et de leur bien-être, et à ce titre peuvent avoir envie de découvrir le breathwork. Pour que ce soit le cas, le titre de l’atelier doit être accrocheur (cf. le titre du livre de Sandy Abrams, encadré) et son contenu doit être riche en astuces et exercices courts et rapides, facile à comprendre et à réaliser chez soi. À titre personnel, ma première expérience de la sophrologie a été de rester assise pendant une heure, en cercle avec d’autres personnes à écouter quelqu’un m’expliquer quand inspirer et quand expirer. Je suis aujourd’hui une convaincue de cette discipline qui peut être très puissante mais j’avoue qu’en sortant de cette séance, je ne voulais plus trop en entendre parler… Donc en tant que responsable bien-être, votre implication est indispensable. En tant que responsable bien-être, votre implication est indispensable NE PROPOSEZ CE TYPE DE PRESTATION QUE SI CELA VOUS « PARLE » Pour ma part, j’ai vraiment commencé à découvrir toute la puissance du breathwork lors de mon cursus de formation de professeure de yoga. Je sais aujourd’hui que celui-ci, désigné en yoga par le pranayama, est le 4ème membre du yoga, après les postures. Ainsi, les enchaînements de posture en yoga ne prennent du sens que parce que vous êtes capable de les réaliser au rythme de votre respiration. Cette dernière transforme ainsi toute votre pratique. Je n’ai donc aucun doute quant à l’efficacité du breathwork et des bienfaits pour vos clients. Mais si cette pratique ne vous « parle » pas, soit parce que vous ne l’avez pas encore essayée ou simplement parce qu’elle n’est pas faîte pour vous à ce stade de votre vie, ne prenez pas le risque de l’intégrer à votre carte des soins ou à vos ateliers bien-être. Vous pourriez ne pas réussir à en parler de façon convaincante et ne susciterez pas l’engouement de vos clients. Ou alors identifiez dans votre équipe quelqu’un qui sache prendre le relais sur ce sujet. Alors, si vous êtes convaincu par le breathwork, n’attendez plus : 1, 2, 3….RESPIREZ ! POUR ALLER PLUS LOIN – Breathe : The New Science of a Lost Art, James Nestor (uniquement anglais) pour comprendre scientifiquement le pouvoir de la respiration. – Breathe To Succeed : Increase Workplace Productivity, Creativity, and Clarity through the Power of Mindfulness, Sandy Abrams (uniquement en anglais) pour comprendre les enjeux de la respiration sur notre bien-être émotionnel et mental et sur sa mise en œuvre au quotidien. – Pranayama : la dynamique du souffle, André Van Lysebeth, pour approfondir ses connaissances et construire sa routine breathwork.