…En donnant du sens au travail de mon équipe pour la fidéliser Conférence menée par Florence KOWALSKI, Directrice de Spaboosting, Élodie Dafflon, Fondatrice d’Anahata Conciergerie, Camille Trigoust, Spa Manager, Grand Hôtel des Bains et Vanessa Paumier, Fondatrice Kamala Spa Formation, Formatrice Spa, Praticienne de méditation en pleine conscience. Les faits sont là, vous êtes nombreux à devoir faire face à des postes vacants, ce qui n’a fait qu’amplifier les problèmes de recrutement pré-existants. Dans ce contexte, il faut trouver les moyens de donner envie à vos praticiennes de venir travailler avec le sourire. L’EXPÉRIENCE, ESSENTIELLE POUR ÊTRE MANAGER Élodie Dafflon J’ai créé Anahata, un service qui permet à l’hôtel d’externaliser tous ses besoins en bien-être. : coiffure, maquillage, bien-être, beauté. Je travaille ainsi pour plusieurs hôtels de la région lyonnaise. Je travaille à 100 % avec des free-lances, ce qui rend le recrutement et le management différents. Dans ce cadre, comme pour tout type de management, la bienveillance est la clé. Grâce à mes expériences, j’ai bien exploré le métier de manager. Je sais ce qu’il faut faire mais surtout ce qu’il ne faut pas faire ! Camille Trigoust Je suis spa manager au Grand Hôtel des Bains, un spa hôtelier en Bretagne. Avant cela, j’ai fait des saisons dans différents établissements, le Club Med et des spas d’hôtels étoilés. J’ai donc eu plusieurs managers, des bienveillants, d’autres beaucoup plus directifs. Cela m’a permis de me construire en tant que responsable. Je savais ainsi ce que je voulais pour mes futures équipes, à savoir la bienveillance. Ceci, dans le but de leur apporter l’envie de venir travailler, d’être toujours épanouies en cabine avec leur client. Vanessa Paumier J’ai 22 années d’expérience dans l’univers du bien-être, dont 10 dans l’hôtellerie. J’ai été praticienne et manager en 5 étoiles et en palace. J’ai fait 10 ans de saison, ce qui m’a permis d’avoir beaucoup d’employeurs et donc beaucoup d’expériences. Certaines ont été très bénéfiques grâce à des directeurs animés par le goût pour la transmission, la guidance pour faire émerger mon potentiel. Et, a contrario, j’ai aussi eu des managers qui étaient plus dans la pression, ce qui se ressentait dans le rythme de travail imposé qui n’était pas toujours réalisable. J’ai puisé autant dans mes expériences négatives que positives pour en faire une force. LE MANAGEMENT DES ÉQUIPES DEPUIS LE COVID Élodie Dafflon Avec le Covid, je me suis retrouvée avec un problème de recrutement encore plus important qu’avant. Il a fallu garder le lien, surtout quand on travaille avec des free-lances. On a complètement changé notre manière de travailler, on a doublé les équipes, on travaille beaucoup sur les fins de semaines… On met en place beaucoup de choses pour créer un lien entre les praticiennes, et on a changé notre rythme de travail avec une équipe le matin et une l’après-midi car les praticiennes avaient envie de travailler différemment, 4-5 heures maximum d’affilée, et prendre du temps, se recentrer, et revenir. Au départ, cela me paraissait difficilement réalisable car cela demande plus de travail sur les gestions de planning. Finalement, les spa praticiennes ne s’épuisent plus lors des massages, elles reviennent donc plus motivées, et avec le plaisir de masser, chose qu’elles n’avaient plus en partant… Pour les free-lances, il est très important de les intégrer à l’équipe. Avant, elles ne participaient pas avec les équipes de l’hôtel lorsque nous organisions des sorties par exemple. Aujourd’hui, cela change de plus en plus. Pourquoi la free-lance devrait enchaîner les soins sans pause ? Florence Kowalski De plus en plus de praticiennes vont basculer en free-lances, car le spa ne correspond plus à leur façon de voir les choses. Elles veulent avoir le choix dans leurs horaires. Il est donc important d’écouter les free-lances si vous voulez que l’expérience client reste la même et que les clients aient envie de revenir, tout comme vos équipes de free-lances. Camille Trigoust En effet, au niveau des équipes, il y a moins d’envie de faire des heures de soin. Lorsque je faisais des saisons, on faisait 6-7 heures de massages par jour sans problème. Aujourd’hui, les praticiennes ont 20/30 minutes de pause entre chaque soin, elles ont l’habitude de ça. Elles n’ont plus envie de revenir sur leur jour de repos pour reprendre des clients en plus. Et la place du travail a changé : le travail, c’est le travail, elles ne veulent pas aller plus loin. Le sens du travail Florence Kowalski J’avais envie d’avoir le témoignage de Camille Trigoust qui fait partie de la jeune génération, souvent réputée fainéante. C’est faux ! C’est une question de sens au travail. Cette génération qui arrive est bosseuse mais elle a besoin de savoir pourquoi elle fait les choses. C’est un autre élément très important. On a un temps d’avance quand on comprend ça. Les praticiennes n’acceptent plus de travailler sans passion, sans avoir de sens, et nous avons un gros travail à faire. Aujourd’hui, les spa praticiennes n’acceptent plus de travailler sans passion QUAND LA PASSION DISPARAÎT… Vanessa Paumier Il est vrai qu’il y a une perte de sens et une vraie recherche d’équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle. J’ai rencontré beaucoup de spa praticiennes expertes qui sortaient de l’hôtellerie de luxe, qui ont fait beaucoup de saisons et qui ont préféré maintenant se mettre à leur compte… Cela est fort dommage… Le milieu de l’hôtellerie, et notamment des saisons, a des difficultés à garder des mains expertes car la saison finit par ne plus correspondre aux envies. Le Covid a accentué ceci. On se retrouve avec du personnel expert qui s’en va et avec des jeunes qu’il faut former. Ceci justifie l’importance du bien-être salarié qui émerge. Il faut donner à cette nouvelle génération toutes les clés pour réussir et se préserver. Élodie Dafflon J’ai perdu beaucoup de membres de mes équipes. J’ai fait un burn-out avant le Covid car je commençais ma journée à 7h du matin et je finissais à 21h30, sans pause ! Lorsqu’on se retrouve dans une pièce, dans le noir, avec la même musique en boucle, on ne peut plus dire que c’est un métier passion ! CONSIDÉREZ VOS FREE-LANCES La considération de la main-d’œuvre free-lance est très importante pour moi parce qu’on a parfois l’impression que la free-lance vient pour deux soins. Mais non, elle tourne entre 4-5 hôtels, ce n’est pas un pantin, c’est une personne qui a besoin, pour donner du bien-être, d’être dans de bonnes conditions de travail. Elle a besoin de créer, de se sentir investie dans une équipe. Finalement, la free-lance, c’est une manière de travailler, mais cela reste un être humain qui est là, avec nous. Pourquoi lui mettre des soins sans pause ? Elle a besoin aussi de 15-20 minutes pour boire, pour prendre du temps… Camille Trigoust C’est un métier qui est physiquement difficile et qui est fatigant. Il faut trouver les clés pour que les spa praticiennes aient envie de venir. Souvent, je leur parle de passion. On ne fait pas que du soin en cabine. On enseigne des techniques de soin, on échange entre nous au niveau de l’équipe, on s’apporte de nouvelles connaissances, etc. J’ai fait en sorte, lors de la dernière saison d’été, de faire un roulement qui permette à chacune d’avoir deux jours de repos consécutifs. Aussi, nous avons l’avantage de fermer le spa de 12h30 à 15h. Elles ont donc des soins le matin, puis elles ont une grande pause déjeuner, et elles reviennent l’après-midi. Cela leur permet de couper leur journée en deux. Avoir cette pause permet de souffler. Je n’hésite pas à leur dire que si elles veulent prendre un thé, qu’elles n’hésitent pas. J’essaye aussi au niveau du planning de varier les soins, qu’elles ne pratiquent pas toujours la même chose. Ainsi, leur journée est bien plus intéressante pour elles. Florence Kowalski Je vais vous citer un exemple qui montre l’importance de considérer son équipe. Une de mes praticiennes avait mal au pied. Elle m’avait dit qu’elle ne pouvait plus continuer à masser avec les chaussures qu’elle portait et qu’il fallait qu’elle chausse des baskets. Le directeur de l’hôtel ne voulait pas lui accorder cela. Pourtant, il était possible de trouver de jolies baskets, avec un amorti. Finalement nous l’avons mis en place et les clients nous ont fait remarquer qu’ils trouvaient ça sympa ! Donc cette praticienne avait moins mal et une autre praticienne qui avait des problèmes de genoux a elle aussi été ravie de pouvoir porter des baskets car elle se sentait mieux. Finalement, pourquoi rajouter de la pénibilité ? ÉDUQUEZ VOS CLIENTS ! Fermer le midi comme Camille Trigoust l’expliquait, c’est une action concrète. On nous dit qu’il ne faut pas le faire mais je suis persuadée que si on demande aux clients qui ont l’habitude de réserver un soin entre midi et quinze heure s’ils seraient OK pour le déplacer avant ou après cette plage horaire, la totalité des réponses serait positive. Nous sommes à l’ère de la dernière minute, si le client a désormais l’habitude de venir pour un soin sans réservation, il comprend également qu’il n’y a pas de disponibilité au moment précis où il vient. C’est donc à vous d’éduquer votre client et de l’orienter vers les créneaux de soins disponibles. Si un jour Camille se rend compte qu’elle est complète 100 % du temps et qu’elle a besoin d’ouvrir de nouveaux créneaux, elle se posera peut-être la question de réaménager les horaires mais elle pourra aussi se tourner vers des free-lances, l’ouverture d’une nouvelle cabine ou d’autres possibilités. VOTRE ÉQUIPE EST AUSSI IMPORTANTE QUE VOTRE CLIENT ! Le client n’est pas roi même s’il est important car il vous fait vivre. Le but est de délivrer une prestation au client, mais il s’agit également d’être capable de faire en sorte que cela corresponde à quelque chose. Le collaborateur est aussi important que le client. Le salaire Florence Kowalski Le récent changement qui a été opéré dans de nombreux spas, c’est l’augmentation de salaire. Pourtant, certains employeurs m’ont confié que malgré cela, ils n’ont pas réussi à mieux recruter. Ce n’est pas le critère le plus important. INCULQUER LE BIEN-ÊTRE AUX SPA PRATICIENNES Vanessa Paumier Lorsque j’étais professeure, j’étais face à un public de 14-16 ans, qui apprenait le massage. J’ai été très surprise de voir à quel point elles avaient des ressentis émotionnels encore plus puissants que l’ancienne génération. Pour leur premier massage, certaines fondaient en larmes, d’autres se sont évanouies. Elles ont un ressenti sensoriel très développé. Alors, il va falloir leur apprendre ce bien-être, le ressenti au niveau énergétique. Certains clients disent avoir apprécié leur massage mais n’avoir ressenti le bien-être que deux minutes avant la fin, c’est dommage ! Si nous parvenons à inculquer aux futures praticiennes ce bien-être et ces connaissances holistiques, à savoir le lien entre le corps et le mental, et qu’elles arrivent à le transmettre au client, c’est gagné ! La méditation en pleine conscience La méditation en pleine conscience que je pratique peut être l’une des solutions. La pleine conscience peut intervenir sur tous les acteurs : spa praticiennes, clients, managers. J’invite mes praticiennes, au travers de cette pratique, à vivre l’instant présent. C’est masser et ne pas penser à son stress, son quotidien, ses émotions… C’est être focus sur son client, être en pleine conscience de son corps et de sa respiration. Cela permet d’apporter plus d’énergie au corps et de se préserver physiquement. Cela permet aussi de créer des espaces, des temps de pause pendant lesquels l’esprit rationnel s’arrête. La méditation en pleine conscience aide à être focus sur son client Des exercices et des massages Élodie Dafflon Afin de préserver le bien-être de mes praticiennes, nous avons créé un groupe Whatsapp. Par ce biais, nous nous envoyons des exercices à réaliser au niveau de la nuque et des épaules, qui dure 7-8 minutes. Elles les font avant d’entrer en cabine. Nous avons des sophrologues pour les accompagner. 97 % de nos soins se font en duo, donc, avant d’entrer en massage, elles réalisent un exercice de respiration pour qu’elles calent leur respiration l’une sur l’autre, afin de travailler sur le même rythme. Puis, j’ai l’habitude de leur dire de laisser leurs soucis dehors. Tous les mois, elles piochent un nom, et se font masser par une autre personne gratuitement. On connaît de ce fait les techniques des autres praticiennes car elles ont toutes leur spécialité. Surtout, on ne passe pas 2-3 ans sans se faire masser ! Camille Trigoust Tout comme Élodie Dafflon, lorsque cela est possible, je permets à mes praticiennes de se masser entre elles. En plus du bien-être que cela leur procure, cela leur permet de mieux se connaître et ainsi de renforcer leurs liens en partageant des choses. Aussi, on a fait un échange avec un spa qui a la même marque que nous, sur des paliers de vente, de produits, etc. Pour les récompenser, elles ont l’accès au spa avec un massage offert. J’essaie également de les former sur le bon positionnement pour qu’elles ne se blessent pas. Dès que c’est possible, les praticiennes se massent entre elles QUID DE LA RENTABILITÉ ? Florence Kowalski On parle beaucoup du bien-être au travail, de faire des pauses entre les massages, de ne pas cumuler plus de quatre heures de massage d’affilée, on peut se poser la question de la rentabilité dans ces conditions. Il y a d’autres choses à développer en termes de rentabilité. Si des praticiennes se blessent, la rentabilité en pâtira. Le marché de l’appareillage se développe considérablement. Des choses très intéressantes peuvent s’intégrer au spa. Cela n’est plus une technologie que l’on met dans un coin. Vous pouvez aussi travailler sur d’autres aspects comme multiplier les accès à des espaces bien-être que sont les piscines, les hammams et les saunas. Vous pouvez aussi mettre en place une carte de fidélité. Vous voyez ? il y a plusieurs pistes à aborder pour que bien-être des praticiennes et rentabilité du spa puissent cohabiter.