Sans concession !

Conférence présentée par Sam MARGULIES, Fondateur, Président d’Atmosphère Spa Design, Maître Feng Shui, Reiki Master,
et Nathalie DELCLOS, Directrice du Spa Four Seasons, Hôtel George V Paris,
au Village Spa de Beauté lors du 51ème Congrès International Esthétique & Spa (Paris).

C’est de la conception du plan de surface et de l’organisation des espaces que dépendent aussi bien l’expérience client que la capacité de rentabiliser le spa. Découvrez comment procéder…

L’IMPORTANCE DE CONCILIER RENTABILITÉ ET EXPÉRIENCE CLIENT

Sam Margulies et Nathalie Delclos

S. Margulies – N. Delclos

Sam Margulies

Dans la majorité des spas, on s’est concentré dès le départ sur la création d’une expérience client. Et on s’est tellement concentré sur cette notion qu’on en a même oublié la notion de rentabilité ! Ou bien à l’inverse, en tant que femme ou homme d’affaires, on a voulu créer un spa rentable, sans penser à l’expérience client… Or, il est important de concilier les deux. Vous avez un spa pour que vos clients aient une expérience et pour qu’il vous rapporte de l’argent. C’est de la conception du plan de surface et de l’organisation des espaces que dépendent aussi bien l’expérience des clients que la capacité de rentabiliser votre spa.

DES EXEMPLES QUI CHANGENT TOUT…

Contrairement à ce que certains peuvent penser, la conception d’un spa ne repose pas du tout sur sa décoration. C’est important, mais ça vient après. Avant tout, il y a la conception du plan de surface.

La gestion du linge en spa

Par exemple : vous lavez votre linge en interne afin que cela vous coûte moins cher. C’est une très bonne idée d’un point de vue rentabilité. Mais si, entre les machines de linge, vous avez les chariots qui se baladent dans les couloirs en même temps que les clients, qu’il faut pousser tout le monde, et qu’il faut faire trois fois le tour du spa pour rejoindre les machines, l’idée de rentabilité n’est plus là et, en plus, l’expérience client est mise à mal…

Les couloirs en spa

Autre exemple, quelle est, selon vous, la largeur minimale d’un couloir dans un spa : 1,40 m, 1,10 m, 90 cm ? Comment doit-on y penser ? Oubliez les centimètres et les mètres. Vous allez avoir des clients en peignoir de bain, turban sur la tête, pas maquillés, dans une situation sensible, qui ne les mettent pas en valeur. Vous allez leur demander de sortir du vestiaire pour aller à la salle de relaxation. Il y a 50 mètres à faire dans le couloir, votre client va tout de suite craindre de croiser quelqu’un. Ici, l’expérience disparaît à partir du moment où l’idée de croiser une personne traverse l’esprit de votre client. Vous allez alors penser que si vous devez créer des couloirs d’1,50 m de large, cela va vous obliger à éliminer deux cabines et donc perdre en rentabilité. Oui, c’est vrai, mais tout est une question d’équilibre entre les besoins pour l’expérience client et les besoins pour la rentabilité. La définition du plan de surface, la conception et le design, doivent être une osmose sans concession.

LA GESTION DES FLUX DE TRAFIC

Le trafic client

Les clients entrent dans votre spa, ils vont à la réception et, de là, selon la façon dont vous êtes organisé, ils vont par exemple au vestiaire, du vestiaire à la salle de repos, de la salle de repos aux salles de soin. Il s’agit du flux de trafic pour les clients. Le trafic clients est très important.

N’oubliez pas les toilettes

C’était sur la côte ouest aux États-Unis. On m’a fait venir pour analyser le plan de surface d’un spa dans un hôtel. C’était un grand spa de 2 500m2 avec un grand salon de coiffure, une vingtaine de cabines, plusieurs salles de relaxation. On avait calculé qu’il pouvait y avoir jusqu’à plus de 250 personnes en même temps dans le spa. Une fois ceci calculé, je leur ai demandé de me montrer les toilettes. Dans tout ce spa, il y avait une toilette dans chaque vestiaire, une toilette dans un couloir et une toilette dans une cabine de soins. Alors je me suis adressé à l’architecte. En effet, sur cinq toilettes, seules trois étaient accessibles pour les femmes et deux pour les hommes. Avec une capacité de 250 personnes, il n’y avait pas suffisamment de toilettes dans la structure.

Le client habillé VS client en peignoir

Deuxième exemple, dans ce même spa, la position des vestiaires homme : pour y accéder, il fallait traverser tout le spa, passer devant les salles de relaxation, traverser les couloirs où le client est donc en imperméable, bottes et parapluie et se retrouve face à d’autres clients qui sortent des salles de soins en peignoir… En plus de créer un problème sérieux au niveau du trafic opérationnel, cela mettait immédiatement fin à l’expérience client !

L'expérience client et la rentabilité du spa, sans concession

Le trafic des soins

Il y a également le flux de trafic des traitements. Vous avez des zones sèches, des zones humides, vous disposez de séries de soins. Vous n’allez pas dire à votre client que vous commencez dans tel espace pour aller ensuite dans un autre, puis dans un autre. Il faut de l’organisation au niveau de la localisation des espaces par rapport à vos soins. Le trafic qui prime est donc le trafic client.

Le trafic opérationnel

Nous avons mentionné le linge, mais il y a également ce que vos spa praticiennes doivent faire en perdant le moins de temps possible, et dans un sens de circulation intelligent. Mais le sens intelligent pour l’opérationnel n’est pas le même que celui des soins, qui n’est pas le même que celui des clients. Alors, il faut tout organiser, tout penser à l’avance, en arrivant à marier tous les flux de trafic. C’est ce qu’on appelle la gestion des flux de trafic.

L’osmose sans concession

Si vous axez la priorité sur certains des flux de trafic, et que vous mettez la priorité sur la rentabilité, et pas sur l’expérience client, votre spa deviendra un supermarché. Il sera très rentable mais vous proposerez la même expérience pour vos clients spa que pour ceux d’un supermarché. Le but d’un spa, en tant qu’entreprise, c’est de générer de l’argent. Il existe des moyens pour faire beaucoup plus d’argent tout en se compliquant beaucoup moins la vie. Il y a une autre raison qui vient avant l’argent : la passion du métier. C’est la passion de l’aide, d’apporter, de donner à autrui. Si vous pouvez le faire, c’est parce que c’est votre nature, et qu’à côté, cela vous rapporte de quoi très bien vivre, et vous vous sentirez encore mieux.

Si vous mettez la priorité sur la rentabilité avant l’expérience client, votre spa deviendra un supermarché

LE MEMBERSHIP

Nathalie Delclos

Le membership est également très important, c’est une vraie rentabilité pour votre spa. Il faut tout d’abord savoir où vous voulez placer votre spa : au milieu d’un champ ou en ville ? Il faut déterminer combien de memberships vous avez besoin pour être rentable, en fonction du trafic. Il faut donc créer deux parcours clients bien distincts. Certains clients vont par exemple faire du sport et ne pas croiser ceux qui sont en peignoir. Au début, lorsque l’on créait des spas dans des groupes hôteliers, on se disait que c’était pour apporter un service de destination. Aujourd’hui, on veut en plus que ça devienne rentable.

L’ÉVOLUTION DE L’OFFRE

Sam Margulies

Nous vivons actuellement un grand tournant dans notre industrie. Avant, on voyait une majorité de produits et une minorité d’équipements dans le Congrès et les salons professionnels. Aujourd’hui, cet équilibre a complètement changé, on a plus d’équipements que de produits. Qu’est-ce qui a changé ? C’est la différence entre Hands On et Hands Off. Ce sont les soins que vous allez faire entièrement en la présence d’une spa praticienne, avec ses mains, et les soins mains libres où vous accompagnez votre client, le mettez sous la machine et partez faire autre chose. Nous allons de plus en plus vers les soins mains libres.

L'expérience client et la rentabilité du spa, sans concession

Les soins mains libres

Nathalie Delclos

Les traitements mains libres réduisent les coûts, ce que l’on cherche dans un spa. Nous voulons réduire les coûts, proposer des services à moindres coûts, et réduire la masse salariale. Si votre spa est aux Seychelles, la masse salariale sera moins coûteuse qu’en Europe ou en France. Aujourd’hui, nous avons la capacité d’avoir de vrais résultats avec les soins mains libres, donc les équipements se développent de plus en plus. Nous ne sommes plus sur des soins visage avec des produits pour nettoyer la peau. Aujourd’hui, on veut améliorer la peau et anticiper ses besoins. Il y a des formations nécessaires pour proposer de vrais traitements à moindre coût comme le kobido. Il faut donc gérer les produits, la partie opérationnelle mains libres, sans oublier le sport. Tout cela fait un mix de services client qui est rentable.

Sam Margulies

Investir dans des soins mains libres est toujours un risque car il faut investir dans des équipements, et il faut s’assurer d’avoir la clientèle pour les rentabiliser… En plus, souvent, les spa praticiennes croient à la force de leurs mains, il ne faut pas éliminer cela. Mais pendant que le client bénéficie d’un traitement mains libres, votre spa praticienne peut faire autre chose de constructif pour votre spa, éventuellement prodiguer un soin avec ses mains à un autre client. Pensez-y ! Peut-être que cela vaut le coup d’investir pour avoir plus de revenus. Faites vos calculs.

Réfléchissez aux soins mains libres, ils sont un vrai levier de rentabilité

La demande client depuis le Covid

Certaines personnes pensent qu’avec le Covid, les clients ont envie d’aller en spa pour échanger, avoir du contact, et que le mains libres n’est alors pas une solution à privilégier. Cela est vrai pour certains clients. Mais d’autres craignent justement la proximité et préfèrent avoir un soin mains libres parce qu’ils vont se sentir plus protégés que d’avoir une spa praticienne directement sur le corps. Proposez les deux, sinon vous risquez de vous priver d’un certain type de clientèle.

Nathalie Delclos

Quand je parle de mains libres, je ne parle pas nécessairement de soins purs mains libres. Je parle d’accompagnement ou d’une séance de Iyashi Dôme avant un soin manuel par exemple. N’oubliez pas le côté client, le côté service. Car le client vient aussi pour un contact, nous touchons son intimité, il vient pour un accompagnement, ce qui est très important. Quand je parle de rentabilité mains libres, je parle avec des accompagnements. C’est-à-dire accompagner votre client avec une bouteille d’eau, un oshibori, vous le suivez. Le client sait qu’en cas de besoin, vous êtes là. La sortie du client est très importante, même si on est dans un mains libres, on ne lâche pas le contact client.

LA PHILOSOPHIE DU SPA

Le positionnement de vos espaces dépend de la façon dont est conçu votre spa mais aussi de votre marché. Que voulez-vous ? Quelle est votre philosophie ? Souvent lorsque l’on construit un spa, on se dit que l’on va mettre des salles de soins, un sauna, un Jacuzzi, un hammam, une piscine sans penser au marché, à la localisation, à la clientèle. Est-ce une région dynamique ? Est-ce une clientèle plus âgée ? Quelle marque va-t-on choisir ? Est-ce qu’on veut faire du bio ? Est-ce que dans la région c’est le bio qui va primer ? Est-ce la nature ou l’anti-âge qui attire le plus ?
On s’aperçoit, en tant que directeur de spa, que si la philosophie n’est pas cohérente, on n’arrive pas à créer d’histoire dans le spa. Et si on n’a pas d’histoire dans le spa, on ne sait pas quelle clientèle attirer, on ne pourra pas communiquer et donc il n’y aura pas de clients ! Un spa est une vraie entreprise : le marketing, le commercial, la communication, tout cela est essentiel.

'expérience client et la rentabilité du spa, sans concession

Raconter une histoire

Quand j’ai découvert le spa hôtelier, j’étais dans le sud de la France. Nous avons construit ce spa de 3 700 m² en 2012, à côté de Cannes. Il fallait faire venir des clients de Monaco jusqu’à Aix-en-Provence. Et quand le spa est mal situé et mal conçu, ce n’est pas évident de raconter l’histoire et démarcher des clients. Quand on arrive, on comprend l’histoire mais on n’arrive pas à trouver une philosophie avec des marques. Alors on change de marque, et en fin de compte on se dit qu’il faut effectuer des rénovations, cela coûte encore plus d’argent. Il faut donc créer l’histoire avant de créer le spa.

Il est important de savoir quelle histoire va raconter votre spa avant de créer le spa

L’indispensable collaboration avec l’architecte

Un spa est une vraie entreprise, cela se fait en équipe, votre architecte ou designer architectural doit être spécialisé dans les spas, et doit donc connaître votre histoire, votre philosophie. Vous gérez des cabines, une réception, des spa praticiennes, de la maintenance, du commercial, et donc on s’aperçoit vite qu’on est des entrepreneurs. Je m’estime comme une entrepreneuse. Tous les mois, j’ai mes fins de mois à faire, mon plan de financement, et pourtant, je travaille pour un gros groupe ! J’ai la même pression que mon général manager. C’est très intéressant mais on peut vite commettre des erreurs si, dès le démarrage, on n’est pas en parfaite collaboration avec son architecte spécialisé. On commence à le comprendre mais c’est récent. J’ai eu la chance de participer à la conception du spa du George V. Et heureusement que j’étais là, sinon, il y aurait eu beaucoup d’erreurs : si l’électricité ne fonctionne plus et comme la table de massage est fixée au sol, comment fait-on ? Ce ne sont que des détails qu’on peut largement éviter si vous travaillez vraiment dès le départ en collaboration avec votre architecte.

S’ENTOURER D’UNE ÉQUIPE QUALIFIÉE

Sam Margulies

À Houston, aux États-Unis, dans le Texas, je m’occupais d’un projet de spa médical. À quelques kilomètres, un spa urbain était en construction. On nous a invités à venir le visiter pendant les travaux, et pendant la visite, je vois une salle de soins qui était pour une douche Vichy, un massage sous l’eau. Je vois que le sol est plat. Dans un soin de ce type, la majorité des douches Vichy consomment en 20 minutes de soin l’équivalent de 150 litres d’eau ! Généralement, sous la table, un drain est placé pour que l’eau s’évacue. Mais pour que l’eau s’évacue, il faut que le sol soit pentu, comme dans une douche, pour diriger l’eau vers le drain. Ici, c’était plat ! Après la visite, j’ai interrogé l’architecte sur cette pente inexistante et on m’a expliqué que c’était le plombier du coin qui allait faire l’installation du drain ! J’ai tout de même averti le propriétaire de ce petit bémol. Trois mois plus tard, l’inauguration avait lieu. L’équipe de football de Houston était conviée, le spa avait laissé couler l’eau toute la journée pour montrer le fonctionnement de la douche, ils ont dû évacuer tout le spa ! Cela a pris 3 mois de plus pour refaire des travaux… L’assurance n’a pas payé car ils ont considéré que c’était une grosse négligence professionnelle. La bonne équipe n’avait pas été créée, à savoir le propriétaire, le directeur de spa, le designer-architecte spécialisé dans les spas, éventuellement même un spécialiste des équipements. Si vous ne réunissez pas la bonne équipe, il y aura toujours quelque chose qui manquera.

La bonne équipe n’avait pas été mise en place dès le départ, il a fallu trois mois de plus de travaux !

LES LEVIERS DE LA RENTABILITÉ DU SPA

Il y a les soins, le retail et les soins mains libres qui rapportent, qui donnent une certaine marge :
– Si vous gérez bien, les soins vont vous laisser en moyenne 27 % de marge avant impôt.
– La vente de produits au détail peut laisser 42 % avant impôts.
Faites le calcul rapidement : un soin d’une heure vous laisse 27 % de marge et cinq minutes de vente au détail vous laisse 42 %, lequel vous préférez ?
– Le troisième levier qui se dessine, c’est le mains libres. Cela va vous permettre des revenus de traitements à marges plus élevées.
Il est donc important de bien équilibrer vos sources de revenus.

Nathalie Delclos

Il y a quelques années, la rentabilité se faisait grâce aux massages, on ne misait que sur ça alors que cela fatigue le personnel. Aujourd’hui, avec toutes les marques de soins qui existent, il faut optimiser les soins du visage, parce qu’avec des soins visage, vous vendez des produits et votre chiffre d’affaires va vraiment augmenter. Je vous conseille de privilégier les soins visage. Avec une bonne marque de soins, vous pourrez arriver à 28 % de votre C.A. en retail uniquement avec des produits de soins visage !

Sam Margulies

Dites-vous une chose, pour obtenir le meilleur équilibre au niveau de vos revenus, vous devriez réaliser au moins 30 % de votre C.A. global en vente au détail. La majorité des spas aujourd’hui ne dépassent pas les 5 %, pourquoi ? Parce que les équipes se disent être des spa praticiennes et non pas des vendeuses… Mais on ne demande pas aux spa praticiennes d’être des vendeuses, leur métier c’est d’éduquer. Si elles éduquent comme il faut les clientes, alors, elles n’auront plus besoin de vendre, ce sont seront les clientes qui achèteront.