Par Pascale BROUSSE, Fondatrice de Trend Sourcing. La croissance des spas est constante : +6% par an de CA pour les spas à horizon 2010 (source : CBRE’s Trends in the Hotel Spa 2016). Pour maintenir cette courbe ascendante, les lieux de bien-être doivent régulièrement rivaliser d’ingéniosité et proposer des offres alléchantes. La grande nouveauté, c’est le « well-thrilling » qui réunit à la fois le bien-être, la sensation et l’excitation que va procurer la découverte d’un soin pas tout à fait comme les autres. L’EXTRÊME DEVIENT HABITUEL En effet, la quête de l’extrême n’est plus une tendance et fait partie maintenant de notre panorama quotidien. À commencer par les sports extrêmes, dont les exploits sont régulièrement montrés aux journaux télévisés du 20H et bien sûr dans tous types de médias (ex : slackline, highline ou marcher sur un fil, au-dessus du vide, comme une forme de méditation, supra-concentration). Les J.O ont d’ailleurs incorporé de nouvelles disciplines à sensation comme le « Half-pipe ». La « Nuit de la glisse » au Grand Rex à Paris fait salle comble chaque année et les Parisiens ont même pu faire de la tyrolienne géante lors d’une animation installée depuis le deuxième étage de la Tour Eiffel, pendant le tournoi de Roland-Garros ! Musique, cocktails pour les 100 clients du sauna ! Et que dire des nouveaux voyagistes comme Black-Tomato.com, qui proposent de vivre des expériences extrêmes et insolites dans tous types de nature et pays, afin d’éprouver la résistance de son corps et de son moral, à un prix extrême, lui aussi ! (Chili, Canada, Ladakh, Ethiopie, etc.). UN CLIENT À LA RECHERCHE DU SENSATIONNEL Depuis l’avènement des réseaux sociaux, nous sommes entrés dans une nouvelle ère, celle de la société de spectacle où se montrer de façon exceptionnelle est un must. Les stars comme le commun des mortels savent parfaitement en user et Instagram et Snapshat sont devenus de véritables instruments de pouvoir (de notoriété). Cette quête de « toujours plus » ne pouvait qu’impacter les spas et centres de wellness. De ce fait, des prestations dites classiques ont ajouté un volet « spectacle » ou « sensation » à leur carte. LE SAUNA « EXTRÊME » Citons par exemple le sauna, que l’on vivait plutôt comme expérience solitaire et compartimentée (sauf dans les pays d’Europe du Nord, qui le pratique culturellement en groupe de longue date). Maintenant, dans certains lieux, le sauna est devenu une expérience sociale et spectaculaire attirant les Millennials. À Oslo, The Well Spa est un complexe fantastique de 15 saunas offrant une ambiance variée, tantôt jungle, cinéma, loft, etc. Également à Oslo, le Salt possède un « Artic Amphitheater Sauna », qui est le plus grand sauna public au monde, dans lequel cent personnes peuvent transpirer ensemble en regardant des performances, en écoutant de la musique et en buvant bien sûr des cocktails. Également, il est plus fréquent d’avoir des « sauna-meisters » dans ces lieux, qui, à heures fixes, infusent l’air de soins aroma-thérapeutiques (huiles essentielles de sapin, de pin, d’eucalyptus, etc.), en remuant des serviettes. Les marques créent des protocoles incluant symbolisme mystique et guérison spirituelle Ces pratiques de « saunas Aufguss » proviennent d’Allemagne et ont pour effet d’augmenter les effets de sudation. Le « maître du sauna » projette de l’eau sur les pierres chaudes, ce qui intensifie immédiatement le degré d’humidité et la sensation de chaleur dans le sauna. Et, en faisant des mouvements circulaires avec la serviette, il brasse l’air pour faire de même. Pour l’avoir vécu, recevoir une bouffée de chaleur extrême en plein visage est une expérience tout à fait inoubliable ! (Certains saunas montent à 90°, les « saunas finlandais », notamment lors de la pratique de ces rituels). Ces maîtres de saunas sont donc légion de longue date en Allemagne, à l’exceptionnel Bareiss Resort, en Forêt Noire, par exemple que j’avais expérimenté – très centré sur le bien-être global. Ils sont largement arrivés en France, notamment à l’espace balnéo du Casino de Ribeauville qui s’étend sur 3 600 m². J’avais eu l’heureuse surprise d’y faire un sauna nue, qui mélangeait hommes et femmes. Trop souvent encore en France, les saunas se font en maillot de bain, ce qui est une hérésie hygiénique. Il est vrai que notre rapport au corps est radicalement différent de celui des pays nordiques : pour ces peuples, le corps est considéré avant tout de manière hygiénique et non pas dans une dimension sensuelle ou sexuelle. De ce fait, le regard posé sur la nudité de l’autre devient normal ou banal, en quelque sorte. C’est particulièrement détendant ! Pour revenir à l’expérience du sauna, des spas créent des programmes d’amusements ou « d’entertainment » journaliers : « What’s playing today » ?, en y insérant chants, déguisements, danses de serviettes… LA « SIMPLE » NATURE NE SUFFIT PLUS Qui dit spa, thalassothérapie ou wellness resort dit proximité avec la nature. Or, là aussi, la « simple » nature ne suffit plus. L’apaisement procuré par la nature est certes plébiscité pour se déconnecter et être au contact des forces vitales de l’univers. Mais nous allons y trouver des expériences immersives rupturistes ou avec une approche plus complète. Ainsi, le site web américain The Green Shelters propose une « destination détox » éphèmere tous les deux mois : à Ibiza, à Essaouira, au Portugal, dans les Alpes, etc. Tout un ensemble d’activités relaxantes en pleine nature font partie du programme : randonnées, médiation, yoga, naturopathie, nourriture saine, « forest bathing »… Ces « bains de forêt » sont devenus incroyablement populaires en Corée où de nombreux centres de bien-être les proposent, y compris auprès d’une clientèle d’hommes d’affaires stressés, comme à L’Healience Zen Village, un centre de remise en forme « well-aging healing resort », à deux heures de Séoul. LA NATURE COMME OUTIL DE DÉPAYSEMENT Dans l’Utah aux États-Unis, The Homestead Resort propose quant à lui de pratiquer la water yoga et le stretching au plus profond d’un cratère de 10 000 ans, voire d’y faire du paddle sur une eau à 32° ! De manière plus simple mais tout aussi dépaysante, choisir et cueillir soi-même les herbes et ingrédients du potager qui serviront à son soin visage et/ou corps est une expérience tout à fait ludique et impliquante. Ceci est proposé au resort The Boulders (Arizona, USA), tandis qu’au Lake Austin Spa Resort, c’est le praticien qui rapporte le panier d’herbes du jardin bio au spa (la fameuse tendance « Farm-to-Spa »). D’ailleurs, les spas urbains de palaces référencent des marques bio et/ou locales, pour recréer la réassurance et la connexion avec la « vraie » nature. Les bains de forêt sont devenus incroyablement populaires À Paris, The Peninsula Spa travaille ainsi avec Cha Ling, la ligne de soins développée par la recherche du groupe LVMH, intégrant les principes anti-âge des feuilles de thé Pu’Er d’une forêt millénaire, tout en proposant un jus détox de Good Organic Only. Tandis que : « Chaque spa du Mandarin Oriental propose une offre unique en phase avec les spécificités du pays. Au spa de Marrakech, nous utilisons des ingrédients locaux », dit Jeremy McCarthy, Group Director of Spa & Wellness at Mandarin Oriental Hotel Group. DU SPIRITUEL SENSATIONNEL ! La quête de sens et d’expérience nous mène aussi à des soins physiques et spirituels, puisant dans la sagesse des médecines ancestrales, telles d’autres expériences holistiques « plus » : « Les marques de beauté embrassent la tendance New Age et créent des protocoles incluant symbolisme mystique et la promesse de guérison spirituelle » dit Victoria Buchanan de The Future Laboratory. Le Temazcal illustre bien ce retour aux soins ancestraux et est proposé dans de nombreux spas mexicains, comme au Rosewood Mayakoba du Sense Spa. Le client a droit à une consultation privée avec un shaman ou « temazcalera », avant de se purifier au Temazcal (proche d’une hutte de sudation) ou de plonger dans un cenote* naturel d’eau calcaire. « Le Temazcal moderne combine la philosophie indigène ancestrale, ses rituels, ses méthodes de soin et sa phytothérapie, avec des techniques et concepts contemporains », dit Diane Mestre, experte du spa. Davantage d’outils sacrés deviennent de nouveaux instruments de bien-être, comme les gongs, cristaux, coquillages maya et diggeridoos (un instrument de musique à vent de la famille des cuivres, bien qu’il soit en bois), inclus dans un protocole de soin du Yaan Wellness Spa au Mexique, tandis que le Yogarosa Retreat d’Ibiza inclut des bols de cristal chantant : « Higher vibration crystal bowl sound healing ». Au fabuleux Aman Wellness du Bouthan, l’immersion spirituelle se vit au travers d’une retraite combinant aventures culturelles, yoga, méditation, soins spa holistiques et conférences par le Dr et Bouddhiste Karma Phuntsho (« Reset Yourself at Amanmenu »). LE SPA EN MODE EXTRÊME La quête du bien-être passe donc aussi par l’extrême, ce qui ouvre davantage le champ des possibles en termes de prestations spa. Même si certains experts ont annoncé la fin des records pour les exploits sportifs**, de plus en plus de gens ont envie de se dépasser et de se challenger, boostés par les performances d’athlètes qu’ils voient régulièrement dans les médias (et donc de pouvoir acquérir eux-mêmes de supers pouvoirs). Utiliser le « grand froid » (cf. l’engouement pour la cryothérapie) ou le « grand chaud » dans les soins, combinés à la méditation ou au yoga, répond à ce besoin de sensations « augmentées », tout comme les parcours « spéciaux » en pleine nature. * Les cénotes (du maya dz’onot signifiant puits sacré, via l’espagnol cenote) sont des gouffres ou avens ou dolines d’effondrement, en milieu karstique, totalement ou partiellement remplis d’une couche superficielle d’eau douce et parfois d’une couche inférieure d’eau de mer s’ils communiquent avec l’océan par des failles ou autres conduits. On les trouve essentiellement en Amérique du Nord et centrale, et plus particulièrement dans la péninsule du Yucatán au Mexique. Ils font office de puits naturels qui peuvent atteindre plusieurs dizaines de mètres de profondeur. Source : Wikipédia. ** « L’équipe de chercheurs de l’Institut de Recherche Médicale et d’Épidémiologie du Sport est formelle : d’ici à 2027, la moitié des records du monde ne seront plus améliorables et d’ici à 2060, les sportifs, toute catégorie confondue, auront atteint les limites physiologiques. » Source : France Culture.