Un tournant essentiel pour les spas hôteliers

Par Florence KOWALSKI, Spaboosting, Yog’nVibes.

Certains l’appellent Wellness, d’autres l’appellent Wellbeing pour éviter une image parfois trop « médicale »… Tous s’accordent dans tous les cas pour dire que le Bien-Être avec un « B » et un « E » majuscules ne sont plus une option aujourd’hui et le bien-être mental représente un potentiel réel.

En novembre 2020, le Global Wellness Institute (GWI) présentait à l’occasion de son sommet annuel le premier rapport de fond sur le bien-être mental, intitulé « Defining the Mental Wellness Economy ». En chiffrant les enjeux économiques de ce secteur à 121 milliards de dollars en 2019 au niveau mondial, le GWI en identifie les enjeux forts et les opportunités business pour les professionnels du bien-être. Même, si en France, les initiatives sur ce sujet sont globalement moins audacieuses qu’aux États-Unis ou en Asie, le potentiel est réel pour les lieux de bien-être et notamment les spas hôteliers désireux de prendre le virage d’un vrai positionnement bien-être.

Les signaux du marché, comme on a coutume de les appeler dans le monde du marketing et de l’innovation, sont de plus en plus forts sur ce sujet : les individus ont besoin de prendre soin d’eux, de leur corps et, de plus en plus, de leur esprit et de leurs émotions. Ce qui relevait jusqu’à présent pour beaucoup de « vues de l’esprit » (« pour aller bien, il faut arrêter de s’écouter quand on est fatigué ou quand on a un coup de moins bien et continuer à avancer comme un(e) guerrier(e) » entendait-on régulièrement), voire d’ésotérisme ou d’attitudes un peu « perchées », est désormais acquis. À titre d’exemple, les entreprises elles-mêmes, longtemps réticentes, ont une vraie prise de conscience sur le sujet et commencent à consacrer des budgets à l’épanouissement et au bien-être mental de leurs salariés.

Parmi les lieux de bien-être, la plupart ont senti venir cette tendance avec des stratégies différentes selon leurs profils. Certains établissements comme les thermes cherchent à sortir d’une image trop médicale du bien-être pour évoluer vers quelque chose de plus cocooning. À l’inverse, certains endroits (dont beaucoup de spas hôteliers) cherchent à gagner en légitimité en se positionnant sur une image à visée « thérapeutique » (je mets ce terme entre guillemets car il est très sensible en France) pour dépasser la trop célèbre équation « bien-être = papouilles » (j’exagère à peine, les équipes spa qui lisent cet article apprécieront…).

POURQUOI LE BIEN-ÊTRE MENTAL PEUT IMPACTER L’OFFRE DES SPAS HÔTELIERS ?

La distinction entre soin à visée médicale d’une part et à visée de bien-être ou de confort d’autre part a longtemps été très clivante. Citons, pour ne prendre qu’un exemple, le domaine du massage. Les kinésithérapeutes ont longtemps interdit au monde de l’esthétique et du spa d’utiliser le terme de « massage », leur imposant celui de « modelage » pour éviter que les esthéticiennes ne détournent leur clientèle vers des prestations moins médicales et plus esthétiques. Avec la loi du 26 janvier 2016, le massage non thérapeutique, dont l’objectif premier est d’apporter un bien-être à la personne, pourra être réalisé au regard de la nouvelle rédaction législative du code de la santé publique, par un professionnel qui ne dispose pas du titre de masseur-kinésithérapeute. Une belle victoire mais qui ne suffit pas à rapprocher les deux milieux. À l’exception de quelques téméraires, comme des kinésithérapeutes qui font le pari d’avoir un cabinet de kiné et un petit spa équipé d’une balnéo, d’un sauna ou d’un hammam pour proposer une offre globale à leurs clients en veillant à avoir deux entrées et des vestiaires distincts, la peur de se mettre hors la loi est telle que les initiatives dans ce domaine sont rares. Résultat : le spa hôtelier ou urbain a longtemps été cantonné à cette image « bien-être » sans pouvoir évoluer vers la moindre dimension « thérapeutique », limitant fortement l’évolution de son offre, du chiffre d’affaires associé et de son impact dans l’esprit des consommateurs (on allait au spa pour se faire « chouchouter, pas forcément pour prendre soin de soi »). C’est dans ce contexte qu’émerge tout le potentiel du bien-être mental.

LE BIEN-ÊTRE MENTAL N’EST PAS LA SANTÉ MENTALE… MAIS Y CONTRIBUE !

La santé mentale désigne la présence ou l’absence de troubles mentaux faisant l’objet d’un diagnostic médical : la dépression, les troubles affectifs bipolaires, la schizophrénie et autres psychoses, la démence, la déficience intellectuelle et les troubles du développement, y compris l’autisme… Le rapport du GWI définit le bien-être mental comme « une ressource interne qui nous aide à penser, ressentir, se connecter et fonctionner au quotidien : c’est un process actif qui nous aide à construire notre résilience, à grandir et à nous épanouir ».

Le bien-être mental n’est donc pas la santé mentale. Par contre, ce rapport souligne que les deux sont intimement liés. Selon celui-ci, 85 % des individus dans le monde entier n’ont pas de maladie mentale diagnostiquée, mais la moitié de ces personnes affirment ne pas être « mentalement bien » (c’est-à-dire épanouies) en raison de stress chronique, solitude ou autre défi lié à la vie actuelle. En revanche, ceux qui ont un diagnostic de trouble mental peuvent se sentir « mentalement bien » parce qu’ils ont une vie sociale épanouie, des relations sur lesquelles ils peuvent compter, un travail épanouissant… Les pratiques qui améliorent le bien-être mental sont de plus en plus reconnues comme facteurs de protection pour notre santé mentale, ainsi que pour aider à réduire la gravité et les symptômes de la maladie en complément de prises en charge médicales adaptées. Ainsi, en travaillant au développement du bien-être mental, on contribue à la santé mentale et à la santé en général.

Ce « pont » entre bien-être et médecine que nous offre le bien-être mental bénéficie également de l’engouement croissant, ces dernières années, pour les médecines ancestrales chinoises et ayurvédiques qui mettent la prévention et l’état émotionnel au cœur de la santé de l’individu, les émotions étant perçues comme des facteurs engendrant la maladie.

QUELLES ACTIONS METTRE EN PLACE POUR AMÉLIORER LE BIEN-ÊTRE MENTAL ?

La définition même du bien-être mental présentée ci-dessus nous donne de précieuses indications sur la façon de développer le bien-être mental : le nôtre, celui de nos clients, celui de nos collaborateurs… Reprenons les termes de cette définition. S’agissant d’une « ressource », cela signifie qu’il faut la remplir en permanence pour continuer à faire fonctionner le système. La notion de « process actif » illustre bien le fait que préserver son bien-être mental suppose d’agir de façon proactive, de prendre des initiatives pour l’entretenir et le faire grandir. Les fonctions associées à ce dernier, à savoir la pensée, le fait de ressentir des émotions, la connexion aux autres si essentielle depuis une année, et le fonctionnement global de notre individualité sont des fonctions aussi vitales que respirer, manger, boire, dormir… Le bien-être mental s’inscrit ainsi dans une dimension holistique.

Compte tenu de cette amplitude de champs d’actions, et sur la base d’études scientifiques attestant les effets de différentes pratiques, les auteurs du rapport ont identifié quatre axes possibles pour renforcer le bien-être mental : le développement personnel, les activités de méditation en pleine conscience, la stimulation du cerveau par les nutraceutiques et produits à base de plantes, le travail sur les sens, les espaces et le sommeil.

Le bien-être mental s’inscrit dans une dimension holistique

Compte tenu des derniers articles que nous avons pu vous proposer dans Spa de Beauté ces derniers mois concernant les opportunités pour vos établissements, la seule lecture de ces 4 axes de « bien-être mental » doit normalement vous donner de nombreuses idées en fonction de l’expérience globale que vous proposez déjà ou souhaitez proposer à vos clients, qu’ils fréquentent votre hôtel ou simplement votre spa.

COMMENT INITIER LE BIEN-ÊTRE MENTAL AU SEIN DU SPA ?

Contribuer à cette notion de « renouvellement » de la ressource qu’est le bien-être mental signifie mettre en place des activités récurrentes pour initier des routines régénératrices. Soit, en termes de chiffre d’affaires, du repeat business. Première bonne nouvelle.

De plus, et c’est la deuxième bonne nouvelle, compte tenu des activités identifiées comme vecteurs de développement du bien-être mental, nombre d’entre elles trouvent leur place en spa hôtelier : séances de méditation dans des cadres d’exception, cours de tai chi, qi-gong, activités physiques de pleine nature pour se connecter pleinement à son environnement comme de la nage en eaux vives en bord de mer, du stand-up paddle en bord de lac, du shirin-yoku (sylvothérapie) en forêt, de la marche méditative ou afghane en montagne, des ateliers découverte des plantes locales ou un bar à tisanes, une initiation à la sophrologie, une séance d’auto-massage parent enfant, des séances de méditation autonomes avec des casques de réalité virtuelle pour des durées prédéfinies, un yoga spécial pleine lune au crépuscule… Les idées ne manquent pas. À condition de programmer des choses cohérentes entre elles, la valeur ajoutée perçue en termes d’expérience client sera bien supérieure au coût de mise en place de celles-ci.

L’expérience client sera bien supérieure au coût de la mise en place

Quelle histoire ?

L’idéal est de définir en amont votre positionnement et l’histoire que vous souhaitez raconter à vos clients, en termes d’expérience bien-être, en cohérence avec l’ADN de votre établissement pour ensuite sélectionner les activités correspondant à ce storytelling. Si vous avez peur d’accumuler des activités sans fil directeur entre elles, n’hésitez pas à vous faire accompagner par un(e) professionnel (le) qui vous conseillera sur la création de cette offre. Plus votre offre sera « logique », plus il sera facile de faire du cross-selling en proposant à un client, qui apprécie déjà une de vos activités, une autre activité supplémentaire et augmenter ainsi son panier moyen.

Plus votre offre sera logique et plus le cross-selling sera facile

Quel coût ?

Sur le plan financier, ces activités sont globalement peu coûteuses à mettre en place car les équipements nécessaires ne sont pas très chers en soi et sont parfois amenés par les prestataires eux-mêmes qui les intègrent dans leurs coûts. Quant aux professionnels diplômés et aptes à proposer ces activités (soyez toujours très vigilants sur ce point), vous les rémunérerez soit au cours et encaisserez dans ce cas le chiffre d’affaires global, soit ils percevront un pourcentage du prix payé par chaque client. Dans les deux cas, les risques seront fortement limités puisque les sommes engagées restent faibles car c’est rarement de la charge salariale (sauf si vous avez la chance par exemple d’avoir un profil spa praticienne-professeur de yoga ou esthéticienne-sophrologue…). Vous avez de plus de la souplesse dans la mise en place des activités. Cela peut même être un chiffre d’affaires régulier et sécurisé si, pour proposer ce type de prestation, vous louez une cabine ou un bureau un jour ou plusieurs jours par semaine à une thérapeute sophrologue, hypnothérapeute, conseillère(e) agréé(e) Fleurs de Bach…

LE BIEN-ÊTRE MENTAL AU SEIN DE L’HÔTEL

Comme indiqué ci-dessus, l’étude nous apprend que ce bien-être mental s’initie également au travers du développement des sens, d’espaces favorables à l’apaisement et à l’amélioration du sommeil. Sur ce sujet, vous pouvez accompagner vos clients en leur permettant de choisir par avance le type d’oreiller souhaité, le type de couette, les éventuelles senteurs, proposer des activités facilitant l’endormissement en chambre… bref tout ce qui est désormais prouvé comme facilitant un sommeil de qualité.

Vous pouvez également faire le choix d’un positionnement bien-être fort contribuant au bien-être mental, comme par exemple des séjours complets autour de la détox digitale ou des stages d’activité créative (écriture, photographie, cuisine…) où les prestations hébergement, restauration et spa seront associées pour produire un véritable impact sur vos clients et ainsi commencer à donner à votre établissement une véritable valeur ajoutée « bien-être mental » qui pourra ensuite être utilisée pour une commercialisation auprès de cibles clients qui feront de cette dimension un critère de choix pour leur lieu de séjour.

LE BIEN-ÊTRE MENTAL À L’EXTÉRIEUR DE L’HÔTEL

Autre enseignement de cette étude qui peut s’avérer utile : selon ses auteurs, on cultive notre bien-être mental dans les activités réalisées à titre individuel (faire de l’exercice, écouter de la musique, se promener dans la nature…) mais également au sein des « communautés » dans lesquelles nous évoluons au quotidien. L’une d’entre elles est l’entreprise, où nombre d’entre nous se rendent (plus ou moins) quotidiennement. Or, si l’entreprise dispose en règle générale de locaux (salles de réunion, terrasses extérieures), ils ne disposent souvent ni du matériel ni des professionnels pouvant assurer ces prestations. En tant qu’établissement bien-être, rien n’interdit que vous commercialisiez vos activités relevant du bien-être mental auprès de cette cible, soit en la faisant venir chez vous, soit en vous rendant dans ses locaux avec vos équipes ou vos prestataires extérieurs et en leur livrant ainsi des prestations clés en mains. Certains professionnels, en dehors du domaine du spa, en ont fait leur métier (entreprises de « conciergerie » spécialisées dans le bien-être au travail). Un spa ouvert à l’année, qui doit gérer une activité saisonnière avec des périodes creuses, aurait toute légitimité à mettre en place ce genre de contrats avec des entreprises locales pour leur proposer des services bien-être. Et ainsi permettre au spa d’investir un secteur d’activité complémentaire.

COVID ET BIEN-ÊTRE MENTAL

La pandémie que nous vivons depuis plus d’un an aura eu au moins un mérite, celui de souligner l’enjeu du bien-être mental sur la santé des individus. Les auteurs du rapport soulignent même que « La maladie mentale et le mal-être mental constituent un énorme fardeau économique et sociétal dans le monde. Dans ce contexte, les gouvernements et les entreprises sont incités à agir en faveur du bien-être mental et à développer ces pratiques qui améliorent notre bien-être mental et peuvent non seulement atténuer les symptômes de maladie mentale, mais aussi réduire le risque d’en développer une ». Le bien-être mental s’impose donc comme une urgence vitale un peu partout et son impact direct sur la santé des individus confère aux activités qui permettent de le développer un enjeu stratégique. Une opportunité unique pour les spas, qui choisissent de les proposer, de « passer aux choses sérieuses » !