Par Gilles BAUDIN. Quelle joie d’ouvrir un spa ! C’est une motivation, un enthousiasme, un moment unique à vivre ! On s’imagine déjà l’ambiance que l’on va créer, la décoration que l’on va réaliser, les tables de soins, la ou les marques que l’on va choisir… Mais il faut avant tout éviter de mettre la charrue avant les bœufs. Dans la conception d’un spa d’hôtel ou d’un day spa, il y a de nombreuses étapes préalables, essentielles, auquel on ne peut déroger comme l’étude de marché, la faisabilité économique, financière, commerciale. Elles vont vous permettre de déterminer la meilleure adéquation espace/rentabilité, la dimension des zones sèches et humides, des zones productives et productives indirectes… Il faut respecter ces étapes. LA PHASE TECHNIQUE, PRIMORDIALE Et il y a une phase peut-être moins glamour mais ô combien importante pour la pérennité du projet spa, c’est la phase technique. Elle représente l’assise, les fondations du spa. Autant vous pourrez changer de marque de cosmétiques, de tables de soins, d’orientation après ouverture, autant il sera difficile, coûteux et long de modifier la technique. La phase technique est d’autant plus importante que la construction ou la rénovation d’un spa impose aujourd’hui un triple objectif à prendre en compte. Le spa devra respecter l’environnement, être durable et économe en énergie. La zone humide aussi complexe qu’essentielle Dans un spa, toutes les zones sont importantes, qu’elles soient directement productives ou indirectement : l’accueil, le vestiaire, la zone de soins… mais la zone humide est une zone stratégique. C’est la zone qui, bien souvent, crée la différentiation. Elle est essentielle. Mais c’est aussi celle qui pèse le plus lourd dans le coût de construction et qui est particulièrement complexe d’un point de vue technique. C’est aussi la zone qui consomme le plus d’énergie. Sa taille, son volume, sa structuration, le positionnement des activités doivent donc être particulièrement étudiés. C’est pourquoi cette zone, tout comme le reste du spa, doit être avant tout confiée à une équipe de professionnels avérés dans la conception, la construction et le suivi post-ouverture. Choisissez la bonne équipe C’est d’autant plus prépondérant qu’aujourd’hui les normes sont nombreuses et changent régulièrement avec un grand nombre d’obligations dont doivent tenir compte tous les corps de métiers qui interviennent dans l’élaboration du spa. Ainsi, il est essentiel de s’entourer d’une équipe de professionnels spécialisés dans la conception et la construction de spa : bureaux d’études spécialisés (structure, fluide, thermique, phonique…) consultants, architectes, ingénieurs spa, équipementiers. Cela peut faire beaucoup de monde et l’un des points de vigilance important sera d’assurer une bonne communication entre tout ce petit monde. Choisir son équipe n’est pas chose aisée, même si aujourd’hui il y a de très bons professionnels. Il ne faut pas hésiter à se renseigner sur les références de ces professionnels. Un intervenant compétent, c’est avant tout quelqu’un qui a de l’expérience et des références. Alors, n’hésitez pas à contacter les différents spas avec lesquels il a travaillé pour vérifier la qualité de son travail. Et surveillez en permanence Vous avez votre équipe de professionnels, vous êtes rassuré, vous avez confiance. Néanmoins, la confiance n’empêche pas le contrôle. Et il ne s’agit pas de donner un blanc-seing à toutes les équipes qui interviendront sur le spa. Il faut être sur le terrain, montrer que vous êtes là, omniprésent. Je me souviens de travaux de rénovation d’un spa hôtelier de 400 m². Seuls avaient été conservés les murs porteurs. Les travaux avaient duré neuf mois. En sus du maître d’œuvre, un ou deux membres de l’équipe du spa passaient régulièrement tous les deux ou trois jours constater l’avancement des travaux. Nous avions ainsi pu relever 68 points à rectifier avant même la réouverture du spa et la réception de chantier ! LE BON DIMENSIONNEMENT ET LA PROGRAMMATION DU SPA Le spa est un investissement coûteux à réaliser mais aussi à entretenir en raison du coût de conception, de construction, du prix du foncier ou du loyer, de l’environnement, des problématiques de contraintes et paramètres des lieux. Le dimensionnement et la programmation du spa sont donc essentiels pour déterminer la surface la plus adaptée au potentiel de fréquentation clients. Ils vont conditionner la rentabilité optimisée du spa : superficie de la zone sèche, humide, vestiaire, accueil, nombre de salles de soins, agencement du spa, articulation entre espaces… Le juste spa, ni trop grand, ni trop petit. Mais pour être efficace, il est nécessaire au préalable d’avoir déterminé précisément dans l’étude de marché, votre marché potentiel dans la zone d’implantation, le nombre de chambres d’hôtel (s’il y a), le profil des clients, la différentiation par rapport à la concurrence. Le nombre de cabines de soins La cabine de soin est l’une des sources de revenus les plus importantes du spa. Le choix du nombre et de la surface des cabines, singles ou doubles, polyvalentes ou non, vont être prépondérants dans la rentabilité du spa. Trop de cabines immobilisent du foncier inutilement, pas assez, vous limitez la productivité du spa. C’est un point de vigilance à avoir dès la construction et que vous ne pourrez guère facilement modifier une fois ouvert. Je conseille pour ma part et pour des spas jusqu’à cinq ou six cabines de les concevoir polyvalentes, capables d’absorber la quasi-totalité des soins proposés par la carte ou le menu. Rien n’est pire que de devoir refuser des clients alors que des cabines et des praticiennes sont libres. Soyez vigilant, trop de cabines immobilisent du foncier inutilement Anticipez l’avenir Il faut aussi être capable d’anticiper l’évolution de la demande client. Lorsque j’ai ouvert en 2014 un spa entre Aix et Marseille, une cabine duo était prévue sur les sept qui composaient le spa. Cinq ans après l’ouverture, il y en avait trois. Nous avions dû aménager deux des singles en duo. Heureusement que la surface des cabines le permettait mais nous avons regretté de ne pas avoir mieux anticipé cette demande. Cela avait permis de créer deux postes en plus et de répondre à une demande qui, sinon, aurait pu être dommageable pour la rentabilité du spa. N’oubliez pas les zones pour l’équipe Votre spa ne se limite pas aux zones ouvertes au public, il ne faut pas négliger les zones réservées au personnel : bureaux, vestiaires, local linge propre, linge sale, local personnel, réserve, salle informatique… Elles doivent être particulièrement étudiées pour éviter les espaces réduits, un traitement bâclé et minimaliste. C’est un point de vigilance crucial car elles peuvent constituer 1/3 de la surface du spa. C’est aussi important pour le moral et l’efficacité des collaborateurs. On ne peut pas vouloir tout faire pour le bien-être de ses clients en occultant le bien-être de son personnel. LA CIRCULATION DANS LE SPA Elle est très importante dès l’entrée et dans toutes les zones du spa. Outre les aspects réglementaires à observer comme par exemple l’accessibilité, le linge propre et le linge sale qui ne doivent pas se croiser ou les circuits imposés pour des raisons d’hygiène, la fluidité de circulation est un aspect essentiel du parcours client. Cela doit donc faire l’objet d’une grande attention tout comme la circulation du personnel (spa praticienne, accueil réception, technique mais aussi personnel d’entretien) afin d’éviter des pas et déplacements inutiles qui font perdre du temps et fatiguent les équipes. Il faut garder à l’esprit que si chaque client est présent en moyenne dans l’établissement entre deux et trois heures, le personnel y travaille lui sept à huit heures par jour. L’exemple concret L’un des spas d’hôtel dans lequel je suis intervenu avait été créé quelques années après l’hôtel. Les concepteurs avaient oublié d’intégrer un local linge propre et un local linge sale pensant certainement que ceux de l’hôtel suffiraient. Ils avaient sous-estimé le potentiel du spa par rapport à son dimensionnement. Il a alors fallu créer ces locaux dans des bâtiments annexes et extérieurs au spa. Se situant dans une petite station balnéaire saisonnière et isolée, la société de location de linge ne livrait que deux fois par semaine en été et une fois l’hiver. Cela nécessitait un stock initial important de linge pour pouvoir tourner. Chaque jour, il fallait ainsi en moyenne près de ¾ d’heure pour transférer les chariots de linge sale et propre (parfois jusqu’à 7 à 8 les samedis) du spa vers les locaux extérieurs annexes. Sans compter qu’il fallait passer par l’ascenseur client, ce qui n’est guère flatteur en termes d’image. Ainsi, pour cet oubli de conception, l’immobilisation d’un salarié du spa représentait plus de 250 heures par an de transfert de linge qui auraient pu être évité. Perte de temps, perte d’argent. LES LOCAUX TECHNIQUES Ce sont souvent les parents pauvres du spa. Ils doivent être proches des activités (bassins, hammam…) pour éviter toute perte calorique et ne pas sur-consommer d’énergie. Mais ils doivent aussi être suffisamment bien dimensionnés pour faciliter les interventions des techniciens. Moins une activité en panne est immobilisée, plus l’image du spa en sera renforcée. LE SOL C’est également un point de vigilance auquel on pense peu. Outre les problématiques de glissade, le sol doit être pensé lui aussi par rapport au flux de clients afin d’éviter un surcoût d’entretien et d’utilisation de produits. LA TECHNIQUE DANS UN SPA, UNE USINE à GAZ ! Dans un spa, l’une des grosses difficultés techniques, c’est que tout se mêle et s’entremêle : le froid, le chaud, la glace, l’humide, le sec, le bouillonnant, le calme, le tout dans un lieu clos, souvent restreint. Le traitement de l’air et de l’eau y sont soumis à rude épreuve et il est difficile d’obtenir le juste équilibre. Cela peut être une source d’inconfort et d’insatisfaction des clients, très difficile à résoudre et coûteuse en énergie et en eau. Il faut aussi être vigilant sur le nombre et le positionnement des animations, leur proximité les unes aux autres dans le parcours client. Attention à l’entretien ! Il ne faut pas lésiner sur l’entretien, les contrôles et le remplacement des pièces techniques d’usure, ne pas attendre qu’elles tombent en panne pour les remplacer. L’établissement d’un programme régulier d’entretien pour les équipements et installations permet à la fois leur durabilité mais aussi de sérieuses économies d’énergie. La prise en compte de ces contraintes techniques de température, d’humidité, de ventilation et de traitement de l’eau particulièrement encombrantes ne doit pas s’effacer devant la création architecturale ou décorative, car le retour en arrière sera alors très compliqué. ZONE HUMIDE ET ANIMATIONS Il faut faire particulièrement attention au bon dimensionnement de la zone humide, et notamment du bassin animé par rapport aux animations (jets sous-marins, col-de-cygne, bain bouillonnant…). C’est un levier très intéressant pour rentabiliser le spa. Mais il ne s’agit pas d’une course à l’armement à celui qui aura le plus d’animations car les animations augmentent le débit de filtration et le coût d’exploitation. Il faut un bassin harmonieux, équilibré, afin d’optimiser le traitement adapté de l’eau et de l’air. Cela se conçoit entre autres, en fonction de la fréquentation maximum instantanée dans une journée, du nombre de chambres de l’hôtel (s’il y en a un), de la zone de chalandise primaire et secondaire (si l’on souhaite accueillir une clientèle externe et dans quelle proportion). Cela permettra d’éviter un sur ou un sous dimensionnement du bassin, un sur-apport d’eau neuve à chauffer (coûteux) ainsi qu’une trop forte pollution de l’air aux chloramines. Attention, les animations augmentent le débit de filtration et le coût d’exploitation LE BRUIT, ENNEMI DE LA DÉTENTE Le spa est un lieu de détente, de relaxation, de bien-être. Les clients viennent pour s’y ressourcer et ce, dès qu’ils franchissent l’entrée du spa. Ainsi le confort phonique est un point de vigilance technique clé dans la réussite d’un spa pour garantir la tranquillité des clients et le bien-être des collaborateurs. Ce confort doit être présent dans tout le spa et notablement dans les zones humides avec un bassin animé souvent bruyant en fonction des animations choisies. Le bruit parasite l’expérience client. On l’oublie trop souvent. Je vous conseille de réaliser systématiquement une étude phonique des différents espaces du spa par un bureau spécialisé, bien avant l’ouverture. Une fois l’établissement construit et ouvert, les mesures correctives seront réduites, moins efficaces et souvent peu esthétiques. Faites une étude phonique des différents espaces par un bureau spécialisé avant l’ouverture L’ÉCLAIRAGE, AMBIANCEUR PUBLIC Au-delà de la mise en scène du spa, la lumière influence le bien-être. Elle façonne l’espace, lui donne toute sa dimension. C’est pourquoi, il est crucial de ne pas hésiter à confier l’éclairage à un bureau d’études spécialisé lumière. C’est le mieux à même pour concevoir des solutions personnalisées, durables, créatives, réduisant les coûts d’exploitation. Le design de l’éclairage va permettre de créer des ambiances spécifiques, sur-mesure à un coût maîtrisé. La scénarisation lumineuse du spa va transformer l’éclairage en améliorant non seulement l’expérience client mais aussi la satisfaction des collaborateurs car l’éclairage a aussi un impact sur le moral. Et il ne faut pas négliger le traitement de la lumière, dans les espaces privés du personnel (vestiaires, salle de repos, laboratoire, salle de repas…) souvent réduit à un éclairage blanc, froid et impersonnel. L’IMPORTANCE DU SAV Le spa est ouvert, enfin ! Mais c’est aussi la période où il va falloir apporter des ajustements, des réglages techniques, rappeler certains équipementiers. Il y a certes la garantie de parfait achèvement mais au-delà il faut pouvoir se garantir un service après-vente efficace et rapide. C’est un point de vigilance essentiel à vérifier auprès des entreprises intervenantes. Il n’y a rien de pire qu’un espace détente où le hammam est en panne depuis quinze jours, où le Jacuzzi est froid, où la condensation dégouline le long des murs. La garantie d’un service après-vente efficace et réel doit peser dans le choix des entreprises. Prévoyez un stock tampon Autre point important, l’équipementier doit vous conseiller et vous proposer un stock tampon de pièces techniques de rechange. Il ne faut pas lésiner sur l’achat d’un stock tampon. Le spa doit avoir en stock certaines pièces d’usures essentielles à la bonne marche technique du spa. Vous pouvez par exemple disposer d’une sonde de température de rechange pour le hammam, d’une résistance pour le sauna… des pièces parfois peu coûteuses mais qui peuvent entraîner à elles seules l’arrêt du fonctionnement d’une animation, d’une activité durant plusieurs jours, voire des semaines. Avec un stock de pièces de rechange, le technicien ou l’entreprise intervenante pourra ainsi agir très rapidement et immobiliser l’appareil, l’activité ou l’animation un minimum de temps. Les clients apprécieront d’autant plus qu’ils pourront constater l’efficacité, le sérieux, la prise en charge rapide des problématiques, ce qui est rassurant et bénéfique en termes d’image. Vous devez avoir un stock tampon de pièces techniques essentielles Attention aux délais de livraison Il faut aussi vous assurer au moment du choix de matériel plus coûteux (et que l’on ne va pas avoir forcément en stock) comme un générateur de vapeur de hammam, par exemple, que la commande de matériel et de livraison va être rapide ; attention aux délais et aux matériels fabriqués dans des pays lointains. Enfin, il faut gérer votre stock de pièces de rechange comme vous gérez votre stock de produits cabine et boutique en veillant à ne pas avoir de rupture. CONCLUSION La partie technique dans la construction d’un spa n’est pas la plus glamour, elle nécessite une planification minutieuse, une attention particulière aux détails techniques, mais elle est déterminante dans le succès ou l’échec d’un spa. Elle ne va pas réaliser directement le chiffre d’affaires, mais elle va permettre d’optimiser son potentiel, la régularité de fonctionnement, l’image et a fortiori sa rentabilité. La conception technique du spa doit être envisagée à la fois par rapport au client (parcours client, flux de trafic), mais aussi par rapport au personnel, à ses déplacements, à la gestion de son temps de travail. Les points de vigilance sont nombreux et les erreurs techniques à la conception et à la construction peuvent avoir des conséquences à long terme sur l’exploitation du spa, des conséquences économiques, mais aussi un impact sur la clientèle, et vis-à-vis des collaborateurs. Heureusement aujourd’hui, la maîtrise technique complexe et l’évolution technologique sont bien maîtrisées par des entreprises véritablement spécialisées dans la technique spa et qui appréhendent l’optimisation de la durabilité, de l’environnement et des économies d’énergie.
