Par Pascale BROUSSE, Trend Sourcing. Les ultra-riches dépensent plus de $234 billions en achats de luxe (Source: Wealth X 2015). Connus dans le monde anglo-saxon sous l’acronyme UHNWI (Ultra High Net Worth Individual), les ultra-riches sont définis comme ayant un potentiel d’investissement d’au moins $30 millions, hors possessions personnelles telles que la résidence principale, les objets de collections et les biens de consommation (1). CE QUE VEULENT LES ULTRA-RICHES En 2015, on en comptait 187 000 dans le monde, dont 5 000 en France (Source : Les Échos). Non seulement cette population devient plus nombreuse : + 61 % depuis 2005 (Source : The Wealth Report 2016, Knight Frank), mais elle est aussi de plus en plus riche : + 6.1 % de richesse par an entre 2010 et 2014 (Source : Capgemini’s World Wealth Report, 2016). Le premier « trillionaire » serait même attendu d’ici 25 ans ! Même s’ils veulent tous une attention particulière et quelque chose d’unique, il y a autant de luxes possibles que de nationalités : « Chaque nationalité a une culture et donc des attentes complètement différentes. Un client chinois, américain, arabe, français ou sud-américain nécessite une approche spécifique » dit Stéphane Reumont du Beau Rivage Palace (Lausanne). L’adaptation a minima des protocoles et des menus en général, et plus particulièrement dans les spas de luxe, devra donc être faite selon les normes culturelles et habitudes de soins de chaque pays. L’immédiateté est en revanche la grande caractéristique commune des UHNWI, bien avant les questions budgétaires. Leur motto est : « Je le veux. Je l’ai. Tout de suite ». La millionnaire indienne Sheetal Mafatlal déclame ainsi : « If I love it, I buy it. I do not operate with a budget ». De fait, avoir de la souplesse et pouvoir faire des arrangements sont des qualités indispensables face aux demandes des ultra-riches : « Dans un palace, nous sommes une solution pour les ultra-riches », le mot problème n’existe pas. Ne jamais dire : « Ce n’est pas possible », ils s’en vont directement avec leur chauffeur, les bagages suivent (Source : Stéphane Reumont du Beau Rivage Palace). Par ailleurs, l’hyper choix est apprécié des ultra-riches, à condition qu’il soit bien sûr réalisé dans l’excellence des produits et des services. Florence Schaeffer, du Grand Resort Bad Ragaz AG commente ainsi : « Nous avons des sommeliers pour le thé, l’eau, la bière, le vin, etc. Nous avons plus de 100 sortes de gin, provenant de 16 pays, afin de pouvoir répondre à toute demande ». En beauté et en spa, comment faire pour transcrire de telles normes ? En terme de soins, même si la palette de propositions doit rester vaste, il ne s’agit pas tant de choix que d’offrir des spécialistes. Car les ultra-riches sont très sélectifs et ils ne parlent qu’aux spécialistes : le meilleur nutritionniste, le meilleur médecin esthétique, etc. Toujours en quête de « the best person », la confiance développée avec un directeur de spa ou d’établissement sera donc capitale, car, en dehors de leur cercle amical, c’est auprès de cette personne qu’ils s’enquièrent de leur souhait. Il s’agit alors d’avoir un réseau pointu « cutting-edge » d’experts, flexible et disponible pour répondre de suite à leurs attentes. D’autant que cette clientèle, qui voyage énormément, a donc pléthore de points de comparaison en terme de qualité et est habituée à l’excellence de par le monde. Même s’ils adorent être suivis par le même praticien, qui connaîtra tout de leurs désirs et personnalité : « Le luxe est d’avoir accès à tous les médecins ici, même si certains clients préférent être suivis par le même praticien (therapist), car chacun a sa spécialité » (Source : Florence Schaeffer, Grand Resort Bad Ragaz AG). Le besoin de référents est important, d’avoir les mêmes personnes qui s’occupent des UHNWI (et par extrapolation de tout client). C’est un problème potentiel car le turnover des employés est également fréquent dans les établissements et spas de luxe, a fortiori chez les millennials qui aspirent à de multitudes expériences professionnelles. Hors, les ultra-riches veulent se sentir « chez eux » et que le personnel fasse en quelque sorte partie de leur environnement, car cela les rassure (surtout chez ceux qui apprécient pouvoir se confier). Ils peuvent ainsi davantage se détendre et se laisser chouchouter. LES ULTRA-RICHES DANS LES SPAS Pour un directeur de spa ou d’établissement, le travail préparatoire à effectuer pour référencer les habitudes des ultra-riches est considérable : « Nous anticipons leurs attentes, nous notons toutes leurs habitudes, nous préparons leur arrivée et nous leur demandons ce qu’ils souhaitent, s’ils veulent que l’on change quelque chose » (Source : Stéphane Reumont, Beau Rivage Palace). Les datas et les nouvelles technologies arrivent à point nommé pour simplifier cette tâche d’ultra-personnalisation, qui est d’ailleurs le graal du commerce pour tout un chacun ! En revanche, pour le spa, il est courant que les super-riches ne réservent plus aucun soin à l’avance (cette pratique s’étend d’ailleurs à toute la clientèle depuis quelques années). Plus d’organisation de « beauty agenda » : un vrai casse-tête ! L’équipe doit être « en mode dispo » 24/24. Une vraie culture palace qui deviendrait légion… Les ultras-riches ne réservent plus leur soin à l’avance. Le spa doit être « en mode dispo » 24/24 Comme nous l’avons vu, la clientèle fortunée ne change pas ses habitudes ni son protocole de soins instantanément et cela passe généralement par une personne génératrice de confiance. Sollicités en permanence, ils sont prudents. Le lien à tisser nécessite temps et patience mais ensuite, le sésame est réel : « Si l’invitation, le SMS ou l’e-mail ne provient pas de moi, ils ne l’ouvriront même pas » (Source : L-M. Affre, fashion broker – M Le Monde, 02/2016). Véritable alchimie complexe et parfois difficile à acquérir en soi, le « serviteur » devra être dans la proximité respectueuse, la distance, la sincérité que les UHNWI recherchent de manière permanente. La sensation que leur argent importe peu au fond, mais que chacun est là pour eux seuls. Tout le processus d’accueil, de soin et de service est tourné vers cette sensation d’unicité. ULTRA-PERSONNALISATION Férus de prévention santé, les UHNWI ont adopté les codes de l' »Integratif Lifestyle » bien avant les autres. Il faut dire que cette médecine de santé a un coût élevé pour le commun des mortels (i.e. : médecins anti-âge et cliniques huppées). Clinique La Prairie, Sha Wellness, Bad Ragaz Spa… chacun offre une palette sur-mesure de soins à 360°. Consultations d’entrée prenant en compte la globalité du style de vie, traitements de médecine esthétique, de médecine régénérative, génomique, mais aussi de relaxation, de soins thermaux… l’important est dans le résultat recherché et l’ultra-personnalisation. Les résultats performants et les garanties pour y parvenir importent plus que les coûts élevés des prestations de pointe. Les traitements se veulent sans cesse « augmentés » des nouvelles technologies et souvent combinés les unes aux autres. Le Dr.David.A Colbert, dermatologue star à NYC, avait vu cette tendance de soins « mille feuilles » ou « layering » avant l’heure et avait ainsi lancé un soin visage anti-âge baptisé « Triad » en 2011 (coût : $1 000). Renouvelé régulièrement, celui-ci combine micro-dermabrasion, laser, peeling aux fleurs de lavande et masque hydratant à usage unique, aux acides lactique et hyaluronique. Rien n’est trop beau pour promouvoir les traitements anti-âge, même l’usage de la controversée « thérapie » des télomères ou l’action potentielle basée sur l’ADN. L’Oriental Spa de Hong-Kong propose ainsi : « A machine-based DNA Réjuvenation room » par Aromatherapy Associate, qui utilise via leur ligne de soins « Rose Infinity » la « Telomere Technology » et quatre machines à base de micro-courants (2). Le sur-mesure apporté par la génomique (et l’épi-génétique) a été repris en cosmétique depuis plusieurs années. À Paris, le Skin Genomic Center a ouvert ses portes en 2016 et permet d’avoir sa propre prescription cosmétique après analyse de 31 gènes (coût : 750 €).