Quelles spécificités et contraintes ?

Par Florence KOWALSKI, Social Media Manager et Ghostwriter spécialisée en hôtellerie et bien-être.

En spa saisonniers, les enjeux humains et financiers ainsi que la temporalité ne sont pas les mêmes, ils exigent une excellente organisation. Voici une quantité d’informations et d’astuces si vous vous apprêtez ou hésitez encore à vous lancer sur la prochaine saison d’hiver !

Léa Ruphy, responsable multi-spas pour le groupe hôtelier Assas (4 spas saisonniers et un spa ouvert à l’année) a également fait l’ouverture du Spa de l’Auberge du Père Bise***** à Talloires. Elle possède ainsi une solide connaissance de ces deux environnements et vous explique tout.

L’OUVERTURE D’UN SPA SAISONNIER : UN ÉTERNEL RECOMMENCEMENT

Un spa urbain se lance une seule fois, lors de son ouverture. Pour un spa saisonnier, à chaque nouvelle saison, tout (ou presque) est à refaire.
​​​​​À chaque début de saison, le rituel de la spa manager est le même : ouvrir (au propre comme au figuré) les portes du spa, faire un premier ménage avant de découvrir les meubles (souvent mis sous drap), vérifier le bon état de fonctionnement des équipements (hot kabis…), vérifier les stocks de fin de saison dernière pour passer de nouvelles commandes, commander les tenues de l’équipe, ranger le linge en vérifiant qu’il a été laissé en bon état… Comme le souligne Léa, « Chaque début de saison est aussi intense car, qu’on ouvre pour trois semaines, trois mois ou trois ans, la charge de travail est la même : le ménage doit être nickel, l’équipe doit être recrutée, tous les produits doivent être là pour réaliser l’ensemble de la carte des soins… On ne fait ni économie de temps ni économie d’argent juste parce qu’on ouvre en saisonnier. Le seul gain de temps, c’est quand on a des procédures d’ouverture et de clôture saisonnières bien claires qui vont nous permettre de ne rien oublier sans se faire de nœuds au cerveau ».

Les difficultés de recrutement

Difficulté supplémentaire : le plan d’action « ouverture du spa » commence généralement plusieurs semaines, voire mois, avant l’ouverture effective. Ainsi, dans le cas d’une saison hiver avec ouverture au public du spa à compter de fin novembre-début décembre, les recrutements débutent dès le mois de septembre. Le nombre de spa praticiennes disponibles sur le marché du travail étant, depuis quelques années, inférieur au volume de postes ouverts en début de saison, les spa managers doivent souvent faire passer plus d’entretiens d’embauche que de postes disponibles. « Désormais je suis en CDI à l’année, donc ça ne me pose pas de soucis explique Léa, mais quand vous êtes spa manager saisonnière, vous êtes généralement recrutée au plus tôt deux à trois semaines avant l’ouverture, ce qui signifie que tout le travail que vous faites avant ne sera pas rémunéré. » Même quand on adore son métier, ce n’est pas toujours évident à accepter. Surtout si vous avez déjà fait une saison d’été et que vous voulez profiter de l’intersaison pour couper et recharger vos batteries avant l’hiver…

LES SOINS EN SPA SAISONNIER

En spa saisonnier, la règle des 80/20 s’applique souvent : 80 % de massages pour 20 % de soins visage. Pour Léa, « En saison hiver, les clients sont très demandeurs de massages, soit en préparation au ski, soit en récupération. En été, à la montagne, on soulage les jambes et le dos après les randonnées. Vendre du soin visage est tout à fait possible, mais peu de clients viennent spécifiquement pour ça. C’est donc important de bien expliquer en quoi un soin visage peut être aussi relaxant qu’un massage ».

Les soins visage

Le soin visage est encore traditionnellement attaché à l’institut de beauté, dont c’est l’une des expertises clés. À moins d’avoir une marque de cosmétiques à forte notoriété et dont l’expertise visage est reconnue, il est effectivement compliqué de dépasser les 20 % de soins visage quand on manage un spa saisonnier. On est même souvent plus proches des 10 % dans les spas où aucun travail de vente n’est fait par la personne en réception sur cette prestation. Dommage quand on sait que ce sont essentiellement les soins visage qui génèrent des ventes de produits retail si bénéfiques au chiffre d’affaires.

Manager un spa saisonnier

LE RECRUTEMENT : DES PROFILS PLUS JEUNES ET SOUVENT MOINS IMPLIQUÉS QU’EN CDI

Une saison et au revoir

« Le recrutement, c’est vraiment LE sujet clé en spa. C’est de plus en plus compliqué de commencer la saison avec une équipe au complet et je connais d’autres spas managers qui ont le même souci. En spa saisonnier, c’est difficile de faire évoluer une personne. Donc, souvent, elle fait une saison avec nous et, si c’est un bon élément, elle ne reste pas mais nous demande si nous pouvons lui faire une lettre de recommandation ou lui servir de référence… Quand j’ai commencé à recruter en 2018, on pouvait se permettre de choisir nos profils. Ensuite, on avait encore des CV mais moins, on ne pouvait pas être trop difficile. Aujourd’hui, il arrive qu’on n’ait aucun CV sur certains postes. Nous faisons des choix par défaut et forcément, ça ne se passe pas toujours très bien… » reconnaît Léa.

Il est de plus en plus compliqué de commencer la saison avec une équipe au complet

Le spa saisonnier est parfois trop contraignant

Le recrutement est certainement le problème le plus complexe en spa saisonnier. Certes, beaucoup de jeunes ne veulent plus de CDI car ils veulent sentir qu’ils restent libres. Mais ça ne veut pas dire que ce sont de bons candidats pour des contrats saisonniers car, même si ce sont des contrats courts, cela demande de se lever à l’heure le matin, d’être en forme pour enchaîner des massages, parfois de modifier ses horaires au dernier moment… Des contraintes pas forcément compatibles avec les envies de liberté de certaines.
« C’est dommage, explique Léa, parce que quand on débute en tant que spa praticienne, faire une saison est une chance extraordinaire. On peut apprendre à vitesse grand V et progresser beaucoup plus vite que dans un spa urbain ou un spa d’hôtel ouvert à l’année. On est confronté à un maximum de situations clients qui permettent vraiment de grandir en expérience. » Tout est dit.

En spa saisonnier, on progresse beaucoup plus vite que dans un spa ouvert à l’année

LE RYTHME DE TRAVAIL : PLUS INTENSE ET MOINS RÉGULIER

C’est une autre différence clé dans le management d’un établissement saisonnier comparé à un spa ouvert à l’année : le rythme de travail est plus soutenu en saison. Dans l’absolu, les contrats des équipes restent de 35h, 39h ou 42h. Mais la modulation du temps de travail, c’est-à-dire la possibilité de lisser les heures mensuellement, permet d’ajuster le nombre d’heures travaillées par semaine, à la baisse pendant les périodes les plus calmes, à la hausse quand la demande de soins est plus forte.
Conséquence pour les équipes : des horaires qui peuvent changer d’une journée à l’autre et qui, sur certaines semaines, peuvent être intenses avec parfois un seul jour de congé. Les spas saisonniers étant presque exclusivement des spas hôteliers (hors spas de centres sportifs par exemple), ils sont soumis à la convention collective de l’hôtellerie beaucoup plus souple pour les employeurs. Les délais de prévenance pour les horaires de travail et les jours de congé sont plus courts que dans la convention collective de l’esthétique pour pouvoir s’adapter aux pics d’activité hôtelière.

La saison, un rythme vraiment à part

« De manière générale, la saison est un contexte où la charge de travail est intense et c’est une contrainte de plus en plus compliquée à gérer parce que ce n’est pas toujours ce à quoi s’attendent les équipes. En termes de management, il faut vraiment communiquer et expliquer clairement les choses pour que les spa praticiennes comprennent que s’il y a des périodes très chargées, ça veut dire qu’il y aura aussi des périodes plus calmes de récupération. Aujourd’hui, j’essaie de plus en plus de conserver les deux jours off par semaine, qu’ils soient fixes, pour leur permettre de s’organiser en avance et surtout qu’ils soient consécutifs pour avoir de vrais repos et bien couper mentalement » souligne Léa.

Manager un spa saisonnier

Un rythme intense pour la spa manager aussi

« Et pour nous, managers, c’est aussi compliqué parce que nous sommes sur site (les postes saisonniers sont généralement logés sur place ou à proximité) et ce n’est pas simple de couper. On sait qu’on ne doit pas faire faire trop d’heures supplémentaires parce que sur une durée de contrat courte, on aura du mal à les faire récupérer, mais en cas d’imprévu ou de problème en journée, il nous arrive de partir plus tard que prévu. »

Le planning spa saisonnier vs spa ouvert à l’année

Comparé à un spa ouvert à l’année, le rythme est effectivement différent et c’est souvent ce qui pousse les équipes à quitter le spa saisonnier pour le spa ouvert à l’année. En saison, chacun sait que ça ne dure que quelques mois et que les clients sont en vacances. On accepte les contraintes de travail le soir et le week-end et les changements de dernière minute. Mais nul ne peut, à l‘année, travailler tous ses dimanches et ses soirées. Ce serait renoncer à sa vie sociale et personnelle. La répartition des dimanches travaillés au sein de l’équipe et l’anticipation des plannings y sera encore plus stratégique pour garantir un management apaisé et une stabilité des équipes (stratégique pour un spa ouvert en permanence).

Maman et spa manager en saison, un combo complexe

La question de la maternité quand on est spa manager en établissement saisonnier s’invite également quand on parle de rythme de vie. Lors d’un précédent échange, Charlotte Ginolin, Directrice Spa au sein du Four Seasons Megève (saisonnier), maman isolée d’une petite fille de 8 ans, expliquait qu’elle était obligée de partir à 17h la majorité des soirs et ne pouvait pas travailler les week-ends sauf quand ses parents venaient pendant les vacances scolaires. Une situation assez bien comprise des équipes mais difficile à vivre pour elle qui a souvent l’impression de « ne pas en faire assez » et continue généralement de travailler de 21h à 23h (en ayant fait l’ouverture à 8h30…). Le rythme de travail et de vie en général est donc un élément vraiment différenciant pour une spa manager à ne surtout pas négliger.

LE TRAVAIL : PLUS DE POLYVALENCE POUR TOUTE L’ÉQUIPE

Spa director/spa manager, assistante spa manager, spa praticienne, spa réceptionniste, intendante, équipière… : si les postes d’encadrement (les deux premiers) restent bien définis en spa saisonnier, les suivants sont souvent répartis dans l’équipe. « Les gros spas saisonniers (six ou sept cabines et 1000/1500 m² d’espace de soin) peuvent se permettre d’avoir des profils spécifiques mais, dans la plupart des cas, nous recrutons en priorité des thérapeutes car ce sont elles qui génèrent le chiffre d’affaires. Ensuite, nous leur attribuons des fonctions supplémentaires : la réception du spa, le ramassage des serviettes et la remise en état des transats en piscine, le rangement des vestiaires…

Dans un spa ouvert à l’année, cette polyvalence est compliquée car si on veut que les tâches soient bien faites et que le client ait des repères, chacune doit avoir une fiche de mission claire (même si cette fiche inclut de la polyvalence). Mais en spa saisonnier, notre priorité est de faire un maximum de chiffre d’affaires en un minimum de temps. Il faut donc avoir le maximum de ressources disponibles pour réaliser des soins. En spa urbain, ça se voit moins mais, en saison, une spa manager peut passer régulièrement en cabine et, le reste du temps, elle est presque exclusivement en réception. D’ailleurs, il n’est pas rare qu’on finisse notre travail administratif comme l’analyse du chiffre d’affaires ou les plannings à la maison, seul endroit où on a vraiment du calme… » explique Léa.

En saison, notre priorité est de faire un maximum de C.A. en un minimum de temps

Le bon moyen pour découvrir tous les métiers du spa

Si cette polyvalence peut sembler inconfortable pour certaines personnes, c’est aussi un excellent moyen de découvrir tous les métiers du spa. Et c’est également pour cette raison que les spa praticiennes formées en saison montent très vite en compétence. Elles ont en général expérimenté beaucoup plus de situations conflictuelles avec les clients, de problèmes de dernière minute, de demandes incongrues… Par contre, « La seule tâche pour laquelle la polyvalence est déconseillée est l’optimisation du planning des rendez-vous clients avertit Léa. Ne déléguez cela que si vous avez parfaitement formé la personne à qui vous le confiez parce qu’avec seulement quatre ou cinq mois d’ouverture, vous ne pouvez pas vous permettre de faire des erreurs en laissant des créneaux vides ou en ne sachant pas être force de proposition pour votre client face à un planning a priori complet. »

La polyvalence en spa saisonnier est un excellent moyen de monter en compétence

DES CLIENTS SOUVENT PLUS EXIGEANTS EN SPA SAISONNIER

On pourrait penser qu’en vacances, les clients sont moins stressés qu’au quotidien et arrivent au spa plus détendus. Et pourtant… « Aujourd’hui les clients qui viennent en vacances ont l’impression que tout est cher. Ils sont donc vigilants aux prix et le spa ne fait pas exception. Dans les établissements saisonniers de luxe, 5 étoiles sup et palace, la clientèle est moins regardante. Mais en 5* plus classique et en 4*, les prix doivent être cohérents avec ce que l’on trouverait en spa urbain, autrement les clients ne viennent pas » souligne Léa. « Par contre, si nos prix correspondent à ce qu’ils ont l’habitude de payer, aucun souci. Et c’est la même chose pour les produits. Si vous n’êtes pas trop gourmand et ne gonflez pas trop vos tarifs par rapport à une parfumerie en ville, vous réussirez à faire des ventes. Et ces ventes, vous en aurez encore plus besoin qu’en spa urbain pour tenir vos objectifs commerciaux. »

Manager un spa saisonnier

Autre caractéristique de la clientèle à gérer pour une spa manager en établissement saisonnier : moins de repeat business a priori car les clients sont en vacances maximum une ou deux semaines et ne sont pas amenés à revenir comme dans un établissement ouvert à l’année. Cela nécessite de toujours se réinventer en termes de communication.

CHIFFRE D’AFFAIRES ET RENTABILITÉ : FRAPPER VITE ET FORT, SANS PÉRIODE DE RODAGE

Autre enjeu en spa saisonnier : la durée d’ouverture. En spa urbain, vous avez des objectifs de chiffre d’affaires annuel mais pas la pression d’une date de fermeture connue dès le départ. « En spa saisonnier, tout est beaucoup plus intense car on sait que tout doit se faire sur quatre ou cinq mois. Les objectifs, les actions de communication… : tout doit être prêt en amont. Dès qu’on ouvre, ça doit « rouler ». Nous ne pouvons pas annoncer au general manager des chiffres timides en lui disant que c’est un lancement et que ça prend du temps, ça ne passera pas… »

Impossible de perdre une journée de C.A.

Ayez en tête que, dans un contexte saisonnier, chaque journée de chiffre d’affaires non réalisée est perdue et ne se rattrapera pas car la capacité maximale de soins d’un spa est toujours la même. Sur une période limitée, on ne peut pas capitaliser sur la durée en se disant que ce qui n’est pas pris aujourd’hui sera pris demain.

Un accélérateur d’expérience

« Ce qui est certain, c’est qu’au niveau des chiffres, on progresse énormément quand on manage en spa saisonnier parce que quand on voit les jours passer et les journées un peu trop calmes, on a le réflexe de tenter pas mal de choses : des offres promotionnelles, des remises sur les périodes plus calmes… On sait que tout ce qui est pris est pris » souligne Léa. Enfin il ne faut pas oublier qu’en spa saisonnier, les postes sont généralement logés par l’employeur, nourris pour un repas par jour et parfois blanchis. Des charges supplémentaires à intégrer dans le fonctionnement du spa qui rendent la rentabilité encore plus délicate. C’est très variable selon les lieux mais on peut estimer ce coût à 1000€/personne par mois en moyenne, donc par exemple 6000€/mois de charges supplémentaires pour une équipe de 6 personnes. Pas évident à amortir dans un chiffre d’affaires spa.

LA SPA MANAGER : ADAPTABILITÉ MAXIMALE… ET LÂCHER-PRISE

« Quand on est spa manager en saison, on retrouve les mêmes tâches que quand on exerce en spa urbain ou dans tout autre établissement ouvert à l’année. Mais ce qui rend les choses différentes, c’est le contexte dans lequel on le fait. Ouvrir un spa, ce n’est pas compliqué. Mais ouvrir un spa sans connaître encore son équipe, sans savoir si ça va « prendre » dès le départ ou si vous allez devoir passer de longs mois avec un élément perturbateur qui va rendre chaque journée qui passe plus pénible que la précédente, ça, c’est compliqué… Et même avec l’expérience, on peut encore se tromper dans ses choix. Dans ces cas-là, il faut s’adapter, palier aux dysfonctionnements en se disant toujours que ça va aller… Et surtout lâcher-prise parce que de toute façon, en saison, il y a beaucoup de facteurs que vous ne maîtrisez pas. Mais c’est aussi pour ça que ce métier est passionnant dans ce contexte ! » résume Léa.

Le sujet des mauvais recrutements est le cauchemar de tous les spa managers, qu’ils exercent à l’année ou en saison. Pour Léa, « C’est peut-être plus préjudiciable dans un établissement ouvert à l’année car, là, les personnes sont en CDI et ça peut être très compliqué de mettre fin à la collaboration si la personne ne veut pas partir. En saison, on sait qu’il y a un terme, qu’il faut juste « tenir ». Et chambouler parfois nos emplois du temps de manager pour pallier ces dysfonctionnements… ». Ce qui est certain, c’est qu’une expérience de management en spa saisonnier sera toujours synonyme d’adaptabilité, de réactivité et de polyvalence. Et en 2024, sur un marché du recrutement spa de plus en plus tendu, ce sont des qualités incontestables !

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