L’alliance du soin et du commercial

Propos recueillis par Laure JEANDEMANGE.

Amélie Leynier

Amélie Leynier

Après une première vie de commerciale, Amélie Leynier s’est tournée vers la beauté et le bien-être. Son expertise à parler aussi bien soin que reporting, font d’elle une véritable pépite. Aujourd’hui Responsable Thalassothérapie & Spa au sein de Thalazur Royan, elle vous partage son parcours et ses précieux conseils.

J’ai passé un DUT techniques de commercialisation dans la vente et je suis rapidement entrée dans la grande distribution alimentaire, puis dans des magasins spécialisés de bricolage. À l’aube de mes trente ans, j’ai eu une énorme remise en question, cet univers mercantile ne m’intéressait plus…

Ayant toujours été très attentive aux soins de la peau et fréquentant beaucoup les spas, j’ai eu envie de passer de l’autre côté de la barrière, non plus en tant que cliente mais en tant que praticienne pour apporter du bien-être aux autres.

DIRECTION LE BIEN-ÊTRE MAIS PAS SEULEMENT…

J’ai donc suivi un BTS Esthétique à Valence. Durant la première année de BTS, j’ai également passé le CAP.
J’aimais prendre soin des autres tout en conservant mon côté commercial dans la relation client, je ne voulais pas simplement m’arrêter au soin, je voulais aller plus loin et apporter un conseil. Et j’étais une bonne commerciale ! Dans ce milieu du spa, mon objectif était d’apporter quelque chose de différent.

LES EXPÉRIENCES CHEZ DEEP NATURE

À 35 ans, ma première expérience professionnelle se passe chez Deep Nature à l’Hôtel du Golf aux Arcs 1800 pour un stage de huit semaines. La directrice d’exploitation de l’époque Valérie Dedigon remarque mon côté commercial et me sollicite pour faire un remplacement à Méribel. C’était un spa Pierre & Vacances « Les Fermes de Méribel ». Nous étions deux praticiennes, nous faisions tout : les soins, la gestion du planning… Ça se passe tellement bien que je suis à nouveau sollicitée pour la saison 2015 toujours à Méribel. J’obtiens mon diplôme, je travaille, tout s’enchaîne : une saison à Flaine et je retourne à Méribel où je gagne de plus en plus en autonomie.

Je fais les inventaires, les fins de mois, les caisses, les tableaux de bord, des reportings réguliers… Toutes ces choses faisant partie de mon quotidien de commerciale sont très naturelles pour moi. C’est plus sur la cabine que j’avais besoin d’être rassurée sur mes compétences, mais les retours clients m’ont rapidement donné confiance en moi.
Je souhaite travailler toute l’année et développer mon champ de compétences. Ainsi, à l’automne 2016, Valérie me propose de collaborer avec Cécile Troude qui est en charge du pôle formation Deep Nature pour travailler en inter saison sur le module de formation vente.

UNE EXPÉRIENCE FORMATRICE

Parallèlement à cela, je travaille sur le projet d’ouverture du spa de La Clusaz en décembre 2016. C’est un grand spa de 1 000 m² au sein de la Résidence Odalys. C’est très motivant, je pars du principe qu’à l’impossible nul n’est tenu !

Être transparente avec l’équipe et les clients

Cette ouverture n’a pas été facile, en particulier à cause de nombreux problèmes techniques. Mais en expliquant aux clients et aux praticiennes le pourquoi du comment, tout le monde comprend la situation. Les gens sont agressifs lorsqu’on ne leur révèle pas la vraie raison. Je n’ai pas de mal à dire au client : « Je suis désolée, je ne suis pas en capacité de vous accueillir de façon optimale car j’ai un problème au hammam. Vous pouvez passer du temps chez nous, nous vous ferons un petit geste commercial et sachez que cela sera réparé d’ici trois heures ». Et en définitive, ça se passe toujours bien.

Amélie Leynier

Ne pas réagir dans l’urgence

J’ai aussi appris à ne pas réagir dans l’urgence, à chaud. Quand il y a un problème, il faut se poser, s’asseoir, réfléchir, prendre le temps, et ne pas être dans la suractivité ou la sur-émotion. En réagissant à chaud, le côté émotionnel prend le dessus et on fait des erreurs. En me posant, c’est ainsi que je trouve la solution qui me semble la plus convenable pour tout le monde. Et puis, cela permet aussi de relativiser, on apporte du bien-être aux gens, on ne fait pas une opération à cœur ouvert !

En réagissant à chaud, le côté émotionnel prend le dessus et on fait des erreurs

La gestion d’un client mécontent

Face à un client très énervé, tout d’abord, je me déplace sur le côté, et je l’écoute, je le laisse parler car il a besoin d’exprimer ses émotions car quand on prévoit des vacances à un certain prix, on peut comprendre sa frustration. Dans ma position, je reste la plus neutre possible, je ne réagis pas, je le laisse parler et une fois que sa colère est un petit peu redescendue, je prends la parole calmement. Cela demande d’avoir un esprit d’analyse assez vif car il faut apporter rapidement une solution.

Mon conseil : dans une telle situation, je vous conseille de vous poser, c’est-à-dire d’adopter une certaine position corporelle, ralentissez votre souffle, ancrez-vous dans le sol et soyez à 100 % dans l’écoute de votre client. Essayez de vous mettre dans la neutralité la plus totale pour recueillir ses émotions et apporter la solution qui lui paraisse la plus confortable pour lui.

Savoir anticiper

Il faut savoir anticiper toutes les situations possibles. Par exemple, si le hammam est cassé, que fait-on ? Et s’il y a une baisse de température, que fait-on ? L’idée est que tous les scénarios soient prévus. À La Clusaz, il y avait des process pour tout car lorsque j’étais en repos, il fallait que l’équipe sache quoi faire. La plus grande qualité d’une spa manager et d’avoir une vision à 360° sur tout le parcours client à partir du moment où il passe la porte jusqu’à ce qu’il quitte le spa. L’expérience client ne se résume pas uniquement au soin, c’est aussi le peignoir, le bracelet auquel sera attaché la clé… Il faut penser à tous ces détails et aussi à l’anticipation des problèmes.

DIRECTION LA THALASSO

Jusqu’en 2020, j’interviens de plus en plus avec Cécile Troude sur l’élaboration des modules de formation en parallèle de mon activité, cependant j’ai envie d’autre chose.
L’hôtelier ne comprend pas la spécificité du soin, sur le fait qu’il faut un thérapeute pour un client et les spas manager ne comprennent pas le yield en hôtellerie ou le côté commercial, le benchmark. Moi, je comprends les deux. C’est ainsi que je suis devenue Responsable Thalassothérapie & Spa de Thalazur Royan.

RESPONSABLE THALASSOTHÉRAPIE & SPA

Je suis arrivée en février 2021, en plein Covid après quelqu’un qui avait occupé le poste pendant 17 ans avant d’évoluer au sein du groupe. Je n’ai rencontré l’équipe qu’en mai. Et nous avons réouvert la thalasso en juin 2021. Il a fallu un an et demi avant que tout le monde prenne ses marques.
En tant que responsable thalasso, je m’occupe de quatre chefs de services : le service hydrothérapie et spa, le service esthétique, le service vestiaire ménage, le service sport et je m’occupe du médecin et du chargé de communication du site. Les chefs de services gèrent eux-mêmes d’autres collaborateurs. Tous les chefs de services étaient là avant moi, certains depuis des années, ce sont vraiment des experts dans leur domaine et un soutien permanent. Moi je leur amenais une autre expertise et une montée en compétences.

Je suis arrivée en plein Covid, après quelqu’un qui avait occupé le poste pendant 17 ans

Les changements

Le fait d’être esthéticienne, d’avoir travaillé en cabine, change radicalement le discours. Je connais la réalité de la cabine. Malgré tout, les équipes redoutaient d’avoir encore plus de pression au niveau de la rentabilité, du nombre de soins…

Amélie Leynier

La qualité avant tout !

L’inverse s’est passé. Quand je suis arrivée, j’ai fait un test de mains à tout le monde pour évaluer les compétences. Mon objectif était de monter en gamme en qualité client, donc j’ai octroyé des moments de pause. Chaque thalasso fonctionne différemment, ici le personnel tourne toutes les deux heures de postes pour éviter la pénibilité et apporter de la diversité. Mais parfois, après deux heures d’enveloppement d’algues, la praticienne devait enchaîner immédiatement sur deux heures de massages, sans aucune pause, sans même avoir le temps de passer aux toilettes ! Ou bien la praticienne sortait du bassin et n’avait pas le temps de se changer avant d’enchaîner avec d’autres soins. J’ai donc ré-optimisé les plannings pour que les praticiennes puissent avoir au moins 5,10 minutes de pause pour changer de tenue, boire un verre d’eau, aller aux toilettes. Au départ, mon directeur de site m’a dit : « Amélie, l’idée c’était d’optimiser ! ». Oui optimiser, rentabiliser mais si le client voit qu’on fait du soin à la chaîne ou que la qualité n’est pas là, ça ne va pas. Il faut toujours trouver l’équilibre. Et nous avons réussi à trouver ce point d’équilibre dans une période qui n’était pas évidente avec les désinfections, les vaccins…

La montée en compétences des équipes

Le gros travail a été également de trouver le moyen de faire monter en compétence les chefs de service dont certains étaient là depuis 25 ans et qui étaient demandeurs. J’ai écouté chacun pour déterminer de quelle manière je pouvais les accompagner.
La chef de service hydro spa, qui est là depuis 30 ans, n’attend pas de moi que je lui apprenne à faire un enveloppement ! Par contre, la faire monter en compétence sur de la planification, la gestion du planning, de l’équipe, les entretiens individuels, là, je peux lui apporter quelque chose.

S’inspirer du spa…

Au niveau de l’équipe, nous avons travaillé sur la prise en charge client, l’accueil, la prise de congé, les produits, sur tout ce que l’on fait aujourd’hui en spa et qu’on ne retrouve pas forcément en thalasso. C’est mon challenge de lier les deux : apporter un conseil client en thalasso.

Mon challenge consiste à apporter un conseil client en thalasso

Ma mission

Au quotidien, je fais du management, de la gestion financière, je travaille sur des budgets et sur l’élaboration de nouvelles cures, de nouveaux soins. C’est passionnant et c’est colossal !

THALAZUR ROYAN

Le site a été totalement rénové entre le 27 novembre 2022 et le 1er Juillet 2023.
Il y a eu une réfection des chambres, des services généraux, du restaurant. Toute la partie spa, accueil, esthétique avait été déjà refaite en 2019, le bassin, le parcours marin et les 17 cabines d’hydrothérapie ont aussi fait peau neuve. Nous avons également revu le sauna, le hammam, et nous avons recréé une salle de relaxation.

L’objectif des travaux

Il y avait deux objectifs principaux :
– Le parcours marin de 160 m² n’avait pas été revu depuis 1991, date de l’ouverture. Nous avons retravaillé complètement le parcours en y ajoutant des animations, de la marche à contre-courant, des bains bouillonnants… Chaque animation a une fonction pour travailler une partie du corps.
– Nous avons redimensionné les cabines de soins pour que les thérapeutes puissent facilement circuler et que ce soit plus clair pour le client. La décoration n’avait pas été refaite depuis 2007, à l’époque, il y avait beaucoup de noir. L’objectif était d’apporter de la chaleur, de la clarté.

LE CHALLENGE D’UN CENTRE DE THALASSO AUJOURD’HUI

Le plus gros challenge consiste à garder les clients qui nous sont fidèles depuis 20, 25 ans, tout en essayant de recruter une clientèle un peu plus jeune (quarantaine). Cela va se faire avec des nouvelles cures comme la cure épigénétique ou ménopause où nous avons été précurseurs, et le développement des courts séjours avec hébergement.

MON MESSAGE AUX EXPLOITANTS DE SPA

Faites confiance à vos équipes, ce sont elles qui savent.
Les compétences et le professionnalisme des esthéticiennes ne sont pas assez reconnus, alors qu’il y a des études qui ne sont pas simples avec de la cosmétologie, de la biologie, de l’anatomie, ce n’est pas du tout valorisé…

La vente en spa

La vente en spa a toujours été un sujet tabou. C’est compliqué pour les spa praticiennes qui disent qu’elles ne sont pas là pour vendre. Je me souviens de mes cours en CAP où je devais dire : « Bonjour Madame, je vous mets le petit produit dans le petit sac avec le petit échantillon » ! On aborde la vente d’un point de vue mercantile alors que nous sommes dans l’univers du bien-être.

C’est vous qui savez, pas le client !

Je ne compte plus les praticiennes qui m’ont dit : « Mais la clientèle sait ». Non, la clientèle ne sait pas. Vous, vous avez fait des études sur la peau. Vous, vous savez. Dans la cabine, ce n’est pas le client qui sait, le client peut avoir des préjugés, peut se renseigner sur Internet, mais il vient pour un conseil, pour connaître son état de peau. Il faut valoriser les connaissances des esthéticiennes.

Mon conseil vente

Faites-vous confiance et ayez confiance dans votre professionnalisme et vos conseils. Le client vient chercher un conseil de soin, de produit. Il faut arrêter de parler de « vente » en esthétique, ce qui a une image négative. Il est plus judicieux de parler de conseil ou de recommandations en prolongeant les effets du soin. En abordant la vente sous cet aspect-là, vous changez immédiatement le prisme de la relation.

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